Compte rendu de l’action contre la militarisation à Sospel (06)

Une trentaine de personnes se sont retrouvées lors du marché de Sospel jeudi 11 août, village de 3500 habitants limitrophe de l’Italie, pour dénoncer la militarisation de la région.
Après avoir refusé collectivement de décliner leur identité aux gendarmes présents rapidement sur les lieux, des discussions se sont engagées avec les passants sur la présence massive des forces armées et du passage d’exilés dans la région.
Le groupe s’est ensuite rendu à la gare où les contrôles au faciès sont quotidiennement effectués, afin de visibiliser les rafles et de tenter de les empêcher.

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Le texte ci-dessous a été distribué :

À Sospel comme ailleurs, ni armée ni frontières !

À Sospel, depuis trois semaines, 60 militaires sont présents dans le village, officiellement « pour couvrir un large territoire allant de Breil à Menton […] dans une mission d’antiterrorisme et non de contrôle des migrants ou de fonction policière » comme l’indique l’article du 10 août paru dans Nice Matin.

Or l’action quotidienne des militaires démontre bien le contraire. La vallée de la Roya devenant un lieu de passage de la frontière, les militaires participent effectivement aux contrôles opérés dans les trains et sur les quais, ciblant ainsi toute personne n’ayant pas le bon faciès. Les migrants passant depuis quelques mois dans la vallée sont donc systématiquement arrêtés et expulsés.

En effet, depuis quelques mois, la situation à Vintimille est de plus en plus tendue, les rafles et les contrôles rendent la traversée de la frontière très difficile et incitent les candidats au passage à modifier leur parcours. Par conséquent, les forces répressives se déplacent elles aussi, comme en témoigne l’occupation des villages et des sentiers par la soldatesque armée jusqu’aux dents.

La politique générale de fermeture des frontières et la présence sécuritaire quotidienne se concrétisent ainsi non seulement aux frontières, mais aussi jusqu’à l’intérieur du territoire.

On a vu il y a quelques jours plus de 200 personnes partir en courant à travers le poste de douane à Menton se faire refouler, matraquer, gazer au lacrymogène puis, pour la majorité, expulser. Au camp soidisant « humanitaire » de la Croix Rouge de Vintimille, où plus de 500 candidats à l’exil s’entassent dans des préfabriqués, les policiers surveillent faits et gestes et l’accès à la nourriture et à l’hygiène sont soumis à condition. Les brimades et humiliations sont quotidiennes.

Les alibis permettant la répression ne manquent pas. De la menace terroriste à celle des militants « No border », tout est bon pour justifier les intérêts du capital européen. Un arrêté préfectoral interdit dans toute la vallée de la Roya tout rassemblement de plus de deux personnes : les temps sont si sombres que même randonnée, pique-nique et discussion autour du nomadisme sont proscrits. En quelques jours, lors d’un campement organisé côté italien et pendant une manifestation prônant la libre circulation des personnes, plus d’une cinquantaine de personnes ont été arrêtées, contrôlées, et se sont vu délivrer les désormais habituelles « foglio di via », mesure administrative arbitraire interdisant l’accès au territoire italien pour des durées allant jusqu’à 5 ans.

Ainsi, si en France le déploiement de l’armée dans les villes et villages se généralise, particulièrement depuis la proclamation de l’état d’urgence, le contrôle militaire des frontières est issu d’un processus plus large et déterminé en fonction des besoins des États dominants. Construction de murs, déploiement de barbelés, création de forces spéciales d’intervention… aussi bien à l’intérieur des pays européens que dans les pays de provenance ou de transit : la logique reste la même et le blocage effectif.

Les populations sont déjà confrontées aux guerres d’intervention des puissances occidentales dans des pays comme la Syrie, le Mali, l’Irak, l’Afghanistan, pour ensuite retrouver ces mêmes forces armées qui les bloquent dans leur exil. Ici comme ailleurs, l’armée joue son rôle de contrôle de la population, et qu’elle soit présentée comme force défensive, de surveillance ou de protection, n’oublions pas qu’un fusil reste un fusil, et qu’il n’a pour autre but de servir l’ordre des puissants.

La guerre nous concerne tous directement, à chacun de nous de s’y opposer !

Le texte à télécharger : A Sospel

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Manifestation Dimanche 7 août à Vintimille

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Réunion d’information et discussion à Forcalquier (04) mardi 2 août

Migrantes et migrants de la crise

Venez discuter et échanger avec…
Emmanuel Mbolela, auteur miliant du Congo et Pays‐Bas Katayoun Hoseni, femme iranienne vivant en Allemagne , Bernard Schmid, juriste militant entre l’Allemagne et la France et d’autres venus d’Ukraine, des Balkans, du groupe Afrique‐ Europe Interact… tous exceptionnellement présents dans la région pour une rencontre de coordination internationale.

Nous voulons nous informer, discuter et imaginer ce que nous pouvons faire. Ici et partout ailleurs. Soirée organisée par le Collectif Migrant.e.s 04.
Renseignements : etoile.du.berger.04 chez gmail.com

Dès18H30 Apéritif dinatoire partagé avec les apports de chacun
Réunion d’information et de discussion avec des migrant.e.s et des solidaires d’Europe et au-delà.

Voir l’affiche et le descriptif complet en format PDF ICI

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Au col Agnel, montagnes sans frontières !

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Vu sur le site du Comitato Antirazzista Saluzzese

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Les étapes du processus d’externalisation du contrôle des frontières en Afrique, du Sommet de La Valette à aujourd’hui

Dans le cadre des discussions qui ont lieu au Conseil sur “la coopération avec les pays tiers d’origine et transit”, l’association ARCI a publié un document d’analyse sur la politique européenne et italienne d’externalisation dans les pays africains, dans le cadre de l’adoption du Migration Compact, qui propose de reproduire l’accord UE-Turquie aux pays d’origine et de transit de la route de la Méditerranée centrale. Le document se concentre principalement sur les effets néfastes de ce processus d’externalisation dans trois pays : le Niger, le Soudan et la Gambie.

Ce rapport atteste une nouvelle fois que la politique migratoire menée par l’Union européenne consiste à sous-traiter la gestion des tierces frontières aux pays limitrophes afin d’empêcher l’arrivée de migrants et réfugiés sur son territoire.

Le document disponible ici : externalisation_docanalyse_arci_fr

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Des ponts, pas des murs !

Les camarades italiens d’Alpi Libere organisent une journée contre les frontières le samedi 23 juillet. Au programme un pique-nique au col Agnel (dans les Hautes Alpes), puis un rendez-vous à Chianale (village frontalier italien) en fin d’après-midi. L’occasion de rencontrer nos voisins et de réfléchir ensemble à la problématique des migrations et des frontières.

Plus d’info ci-dessous :

DES PONTS, PAS DES MURS !

SAMEDI 23 JUILLET, COL AGNEL / CHIANALE (QUEYRAS – VALLE VARAITA)

10H : Rendez-vous à Chianale pour se rendre au Col Agnel (2744 m alt.) en voiture ou à pied (environ 2h)

12H : Pique-Nique No Border franco-italien au col Agnel

16H : Exposition d’instruments de musique de la tradition occitane, à Chianale, organisée par l’association Liero d’Armoni.

Présentation du livre “700 ans de révoltes occitanes” (Ed. Tabor, juin 2016).

Puis apéro en musique, en soutien au Comitato Antirazzista Saluzzese.

Les montagnes, depuis toujours, sont un lieu de passage et de refuge, donc de migrations.

Les frontières étatiques imposées par les armes et les guerres n’ont jamais empêché les rencontres et les échanges entre les habitant-e-s des montagnes. Aujourd’hui encore, elles sont là pour faire obstacle au passage de ceux qui fuient les famines, les guerres et les dictatures provoquées et alimentées par un occident rapace et dévastateur.

La présence de migrants dans les “Hautes Terres” n’est-elle pas l’occasion d’emprunter un chemin commun de lutte et d’émancipation, en partant d’un regard sur l’histoire des migrations passées pour recréer aujourd’hui des formes de solidarité et d’identité non excluantes ?

DÉTRUIRE LES FRONTIÈRES … PARTOUT !

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SANS FRONTIERES : camp de résistance contre les frontières à Vintimille et alentours / 5-10 août 2016

Après l’expulsion du 30 septembre du camp autogéré né durant l’été à Balzi Rossi, l’arrivée à Vintimille de personnes en transit vers la France n’a jamais cessé.

En avril 2016 le ministre Alfano, en visite à Vintimille, déclare son intention de “résoudre le problème et nettoyer la ville des migrants”. Le dispositif de controle et de répression mis en oeuvre se manifeste alors dans toute sa violence: le centre de la croix-rouge est fermé, les migrant.es deviennent l’objet de rafles quotidiennes à bord des trains et dans les rues, sont identifié.es de force et déporté.es vers le sud de l’Italie. De meme, la répression à l’encontre des personnes solidaires est intensifiée.

Dans les derniers mois, malgré la violence et les difficultés grandissantes, est née l’exigence de construire des moments de lutte et de reconquérir des espaces de possibilités et d’action: la ville est toujours plus militarisée et on observe des manifestations croissantes d’intolérance et de racisme.

Aujourd’hui, nous sentons encore plus fortement la nécessité de construire un important moment de solidarité active et lutte partagée contre ce système d’apartheid et la fermeture des frontières: brisons ensemble ces mécanismes d’exclusion.

Rendez-vous Vendredi 5 Aout à 9h00 à Tende (Vallée de la Roya) pour commencer ces journées par une manifestation contre le doublement du tunnel et la dévastation programmée de la vallée: arretons les camions, abolissons les frontières.

Qui aurait besoin d’hospitalité pour la nuit du 4 août est bienvenu-e et peut nous contacter pour avoir d’autres informations.

Tou.tes les participant.es sont invité.es à un maximum d’autonomie en apportant le matériel nécessaire à un camp.

Merci d’avance à tou.tes cell.eux qui pourraient arriver dans les jours précédents pour accompagner l’organisation et la logistique.

La zone de campement sera communiquée seulement au dernier moment.

Pour info-contact: mail: senzafrontiere at inventati.org

https://campeggiosenzafrontiere.noblogs.org/

numéro de téléphone: 0033605789487

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Chroniques d’une lutte permanente…

Lundi 20 juin, Calais. Plusieurs centaines de réfugiés courent vers les barrières séparant la jungle de la rocade portuaire afin de ralentir le trafic et monter dans les remorques des camions se rendant en Angleterre. Les flics rappliquent en nombre, gazent, tirent à coup de flashball, et repoussent tout le monde à l’aide de canons à eau notamment. Si les faits ne sont pas inhabituels, les violences furent particulièrement accrues ce jour-ci : un homme inconscient est évacué par ses camarades, un autre est blessé au visage par tir direct de grenade lacrymogène, plus d’une quinzaine sont blessés par flashball (dont certains à la tête), une vingtaine de personnes se coupent sur les lames de rasoir fixées au barbelés en essayant d’échapper à la police et de rejoindre la jungle. Les personnes venues en soutien qui tentent de soigner les blessés sont également visées, l’une d’elle manque de peu une grenade lacrymogène en plein visage alors qu’elle était agenouillée auprès d’un blessé. La préfecture elle ne dénombrera aucun blessés le soir même, la presse parlera d’au moins 600 tirs de lacrymo.

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Vendredi 24 juin, Breuil-sur-Roya. Après la vélorution du 18 juin, qui a été bloquée à la frontière franco-italienne par la police italienne, les manifestants réunis en assemblée ont décidé d’occuper un poste de douane, lieu symbolique de l’oppression et du contrôle sur les personnes. A son expulsion quelques jours plus tard, 4 camarades italiens sont arrêtés et amenés au Centre de rétention de Nice. Ils y resteront enfermés 5 jours et se verront interdire de territoire français pour une durée d’un an.

Lundi 27 juin, Nîmes. Une personne passe en procès pour dégradation de bien public commise lors d’un rassemblement de solidarité organisé devant le centre de rétention de Nîmes en mai dernier où quelques tags avaient fleurit sur les murs de la taule, où quelques coups de pied avaient endommagé les barrières et l’interphone de l’entrée. Si son avocat plaide la « juste cause » du rassemblement en plaçant l’appel à manifester dans le dossier du juge, l’accusé écopera tout de même d’une peine de 800 € avec sursis, et devra payer 700 € pour le nettoyage.

Mercredi 29 juin, Paris. Le campement de migrants installé depuis une quinzaine de jours halle Pajol est évacuée. Les tentes et couvertures sont détruites. Une femme portant dans un bras son enfant, dans l’autre sa tente, est frappée à coup de matraque.

Vendredi 1er juillet, Vincennes. Un incendie éclate et ravage deux des bâtiments du centre de rétention. L’expulsion prévue vers l’Algérie de l’un des détenus serait à l’origine cette révolte incendiaire.13512207_986177978167049_4986011498686570945_n

Samedi 2 juillet, Vintimille. Après les violences subies et les très nombreuses expulsions menées les semaines passées, 400 migrants bloqués forment un cortège spontané et se dirigent vers la frontière. La police italienne les bloquent rapidement mais les manifestants décident de rester sur place dans rue. Ceux-ci resteront toute la nuit jusqu’au lendemain où quelques tentatives de passage de la frontière reprendront, malgré les charges et les coups de la police. Ils refuseront la nourriture apportée par les organismes humanitaires qui tentent de négocier avec les autorités, notamment le maire de la ville venu sur place leur proposer un ultimatum. Le blocage est levé le dimanche soir vers onze heures, des bus et des avions ayant été préparés pour déporter tout le monde vers le sud de l’Italie.

Lundi 4 juillet, Calais. A nouveau un mort sur la rocade. C’est la septième personne depuis le début de l’année à perdre la vie, renversée par un camion de marchandises.

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Que dire de ces informations mises bout à bout sur une même page ? Elles ne sont pas exhaustives et ne couvrent « l’actualité » entre deux frontières que sur quelques jours… Bien d’autres faits se passent constamment sans que l’on ne dise rien, ou presque, sans que l’on ne voit rien, ou presque.

Chaque jour des familles dorment à la rue, d’autres sont expulsées, certaines peuvent être accueillies. Des gens s’activent, achètent un billet de train, donnent des cours de français, où récupèrent de la nourriture. Tout ceci n’apparaît que rarement dans les médias, ou tout au plus, font la une des journaux sans que personne ne puisse s’y rattacher vraiment.

Rassembler ces « informations » permet peut être alors de dresser un constat, celui de la puanteur du monde dans lequel on vit. Cela nous permet aussi de dévoiler cette réalité que nous connaissons pourtant tout.es, plus ou moins. Car pour certain.es, elle se présente cruellement chaque matin au réveil, et ne cesse de s’agiter qu’au couché. Pour d’autres, elle ne fait que passer par moment puis vient s’étouffer dans le reste de la vie quotidienne.

Ce constat et cette réalité peuvent alors transformer notre volonté d’action en résignation : que pouvons nous faire de toute façon ? les frontières ne sont d’ailleurs pas le seul problème de notre société… Où alors peuvent-ils renforcer notre conviction qu’il est nécessaire d’agir, maintenant. Mis bout à bout et articulés, ces « problèmes » renforcent notre vision d’ensemble et peut être il devient alors possible de mieux leur faire face, de mieux les appréhender, et qui sait, peut être d’élargir les possibilités de renverser cet ordre établit.

Merci à toutes celles et ceux qui contribuent à diffuser ces informations. Plus d’infos sur les sujets évoqués ci-dessus à ces liens :

Retour sur ce qu’il s’est passé lundi 20 juin

Solidarité aux 4 camarades

Harcèlement des migrants

Centre de rétention de Vincennes

400 personnes se battent

À nouveau un mort sur la rocade

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Pour un monde sans frontières

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Politique migratoire et externalisation

Sur la politique d’externalisation de la gestion et du contrôle des flux migratoires, où comment enfermer et refouler au plus loin les exilé.es.

Une politique réfléchie et pratiquée depuis des années

Le concept d’externalisation en matière de politique d’asile et d’immigration apparaît de manière significative il y a une quinzaine d’années. Il fait suite à une période d’élaboration d’instruments communs mis en place à l’intérieur du territoire de l’Union Européenne (directives sur l’accueil des demandeurs d’asile, sur le statut des résidents étrangers, politique commune des visas…) et au renforcement des frontières extérieures prévu dans le cadre de la mise en place de l’espace Schengen. Dans un contexte de mondialisation et de sécurisation de la question migratoire, il allait de soi d’élargir le domaine de la gestion et du contrôle des flux migratoires, et donc de s’occuper de la dimension externe du « problème », en intervenant au delà des frontières de l’Europe.

Si le terme d’externalisation n’est pas explicitement utilisé dans la multitude de textes, projets, ou règlements issus des instances européennes, les concepts qu’il recouvre apparaissent officiellement lors de l’adoption en 2004 du programme de La Haye. Celui-ci met l’accent sur l’association des pays tiers à la gestion des flux migratoires et propose d’évaluer le bien fondé, l’opportunité et la faisabilité d’un traitement commun des demandes d’asiles en dehors du territoire de l’UE. Il sera également repris dans le cadre que ce qu’on appelle la politique européenne de voisinage qui apparaît comme l’articulation aux frontières de la politique intérieure de l’UE. Dès lors, l’idée de traiter les demandes de protection au plus près des besoins fait son chemin. Elle sera notamment entérinée lorsque le Haut Commissariat des Nations Unies aux Réfugiés (HCR), en validant le programme européen « Convention plus » la même année, se prononcera pour une délocalisation de l’examen de la demande d’asile dans des centres alors appelés « de réception » situés à sa frontière extérieure. La possibilité de faire de la détention un mode normal de gestion des demandeurs d’asile voit le jour et sera largement reprise par la suite, impliquant les logiques de tri et de contrôle que l’on connaît aujourd’hui.

On observe donc un phénomène de renforcement du contrôle des politiques migratoires à la fois à l’intérieur du territoire européen mais également un glissement de celui-ci vers l’extérieur, sous entendant la création de zones tampons qui se matérialiseront concrètement par la création de centres de tri et de détention, une militarisation accrue des frontières et l’implantation de camps d’enfermement.

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Des moyens conséquents

L’externalisation recouvre un ensemble large de pratiques visant à confier une partie de la gestion des flux migratoires qui incomberait normalement aux pays dits d’arrivée à d’autres dits de transit ou de provenance, ou à des opérateurs privés.

De nombreux moyens sont utilisés pour mettre en œuvre cette politique. Il pourra s’agir d’imposer des sanctions aux transporteurs aériens ou maritimes afin que ceux-ci renforcent les contrôles en zone frontalière. Les accords de Dublin permettront de renvoyer les demandeurs d’asile dans un autre État jugé responsable de l’étude de cette demande. L’agence Frontex, largement subventionnée et dotée de moyens militaires, sera créée afin d’intercepter et reconduire les embarcations en haute mer ou pour former des gardes côtes dans les pays tiers.

Des clauses et accords de coopérations seront établis entre les pays de l’UE, comme par exemple ceux passés entre la France et l’Angleterre afin d’intensifier la sécurisation de la zone portuaire de Calais et de l’Eurotunnel. Mais ceux-ci seront surtout conclus avec les pays tiers, faisant pour chacun l’objet de négociations, parfois informelles, établies en fonction des intérêts liés à la politique extérieure de chacun. Certaines mesures auront un caractère préventif, car focalisées sur les causes des flux migratoires et donc sur le long terme. D’autres mesures auront un caractère beaucoup plus conjoncturel et occasionnel et seront orientées sur la gestion et le contrôle des migrations. Assistance policière dans la surveillance, déploiement de moyens militaires alliant des techniques de pointes, création de camps d’enfermement… sont autant de moyens pouvant être engagés. La conclusion d’accords de retour et de réadmission seront également établis afin de pouvoir procéder au rapatriement des clandestins.

Les intérêts pour l’UE à mener cette politique d’externalisation sont multiples. En réglant le problème en amont, elle peut maintenir à distance une présence jugée gênante, permettant ainsi d’invisibiliser la question migratoire et notamment éviter l’apparition de campements difficilement gérables et échappant à son autorité. Cela permet également d’éviter des solidarités potentiellement encombrantes avec la population. Il est également plus facile de refouler des personnes n’étant pas encore entrées sur le sol européen et le tri opéré dans les camps ou dans les centres de détention permet de ne garder que la main d’œuvre qui pourrait s’avérer utile économiquement. Elle permet d’exercer une pression supplémentaire sur les personnes ayant réussi à passer les mailles du filet, une procédure étant mise en place instaurant les cadres de l’immigration dite légale, ceux qui ne la respecteront pas seront naturellement considérés comme clandestins, et donc sanctionnables.

Enfin, en délocalisant l’asile, elle peut, sans renoncer formellement à ses engagements internationaux en matière de protection des réfugiés (Convention de Genève, Déclaration universelle des droits de l’homme, Convention de l’ONU sur les droits des travailleurs migrants…) se débarrasser de toutes leurs implications contraignantes, notamment la prise en charge des demandeurs. Cela reste l’une des principales interrogations au niveau de la prise en charge des réfugié.es dans les pays tiers. Quel statut auront-ils.elles? Quelles possibilités d’effectuer une demande et quels recours ? Quelles protections et quels traitements ? La seule certitude semble être des conditions d’accueils encore plus médiocres qu’en Europe…

L’externalisation répond à une logique d’efficacité et sera justifiée de diverses manières : de la lutte contre les trafics d’être humains à celle contre le terrorisme, amalgame d’ailleurs grossièrement exploité pour cette dernière depuis les attentats de 2001, de la préférence nationale en terme d’employabilité au développement des pays tiers, mais aussi en jouant sur la sémantique où les réalités seront renversées, où l’enfermement deviendra une protection, le refoulement, un sauvetage…

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Les migrant.es, instrument de négociation

La politique migratoire de l’UE se retrouve donc pour partie immergée dans le bain des politiques extérieures et s’entremêle de ce fait à des intérêts géopolitiques et commerciaux beaucoup plus large. Pour parvenir à ses fins et forcer une collaboration qui n’est à priori pas souhaitable pour les pays tiers, les transferts monétaires des émigrants sont une source indispensable de revenus, et l’absence des émigrés du pays se traduit par une décongestion des marchés du travail, l’UE possède divers moyens de pressions et peut imposer aisément ces conditions. Elle exercera par exemple un chantage en conditionnant l’aide au développement économique pour les pays d’Afrique jouant le jeu du contrôle migratoire. Des accords d’investissement ou commerciaux seront signés avec les pays les plus obéissants et assurant une bonne gouvernance migratoire. Ceux qui en revanche ne collaborent peu ou pas du tout risquent d’obtenir en échange moins de visas

D’autres collaborations pourront être plus complexes, et certaines contreparties devront être accordées. Ce fut le cas en 2004 lors des négociations avec la Lybie, pays dont le sous-sol regorge de pétrole et où l’investissement énergétique se potentialisait. Kadhafi, en laissant quelques bateaux accoster sur l’île de Lampedusa, mit la pression sur le gouvernement Italien qui à son tour exigea des concessions de l’UE. Il négocia ainsi la levée de l’embargo sur les armes qui était jusque là imposé et donnera à son pays une image plus « fréquentable » lui permettant de s’ouvrir au niveau international.

De la même manière, la Turquie, principale porte d’entrée de l’immigration venant du moyen-orient, permettra à Erdogan d’empocher quelques milliards d’euros, une poignée de visas et réamorcera son processus d’intégration à l’UE. Celui-ci devra en échange récupérer les migrants qu’il avait laissé arriver jusqu’en Grèce auparavant, construire quelques camps d’enfermement, qui lui serviront d’ailleurs de zone tampon avec la Syrie, et fermer ses frontières de manière plus significative. Négocier avec l’UE, institution garante et représentative des droits de l’homme, lui permet également de perpétuer impunément le massacre de la population Kurde sur son territoire, et le baillonnage de toute contestation sociale.

Ainsi, les exilé.es se retrouvent l’objet de négociations dépassant de loin leurs intérêts et deviennent une monnaie d’échange. On le comprend aisément, les fausses interrogations portant sur le respect des droits de l’homme, les conventions sensées protéger les réfugiés ou la notion de sûreté sur laquelle des organismes comme le HCR ou l’OIM (Organisation Internationale pour les Migrations) semblent s’enorgueillir à mettre en avant, ne pèseront pas lourd dans la balance. Laissons ces considérations hypocrites aux humanistes, l’Europe traite avec n’importe qui, et ce depuis longtemps. La seule importance pour elle est que les migrant.es n’arrivent pas sur son sol, qu’ils.elles soient contenu.es en amont de ses frontières, ou admis.es après avoir été filtré.es dans des camps selon les besoins de son économie. Le reste, l’enfermement, le harcèlement, la maltraitance, les regroupements forcés, le refoulement et la violation du droit d’asile, relève des dégâts collatéraux d’une guerre discrètement menée pour protéger un territoire et des intérêts.

La question qui nous importe n’est pas tant de savoir quelles sont les modalités d’un accord, ni même de s’offusquer si un partenaire ne serait pas assez respectable pour traiter avec la sacro-sainte UE, mais bien de pointer que le mécanisme sécuritaire de refoulement et d’enfermement est actif partout en Europe, se durcit, et se propage de manière conséquente au delà même de ses barrières. C’est donc sur cette base que nous souhaitons porter notre critique. Les conditions qui sont attribuées aux exilé.es sont déplorables et révoltantes, mais la souffrance et les milliers de morts ne doivent pas nous empêcher de discerner ni les responsables de cette politique, ni les gestionnaires qui y collaborent, et encore moins de perdre de vue que comprendre le fonctionnement de ce système permet à chacun.e, selon les moyens qui lui sont propres, de mieux s’y opposer et de le combattre. A toutes et tous donc de trouver des outils, eux aussi efficaces, pour lutter.

Texte à télécharger version imprimable : Sur la politique d’externalisation

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