[Vintimille] Vers l’expulsion du camp des migrants : le calme avant la tempête

Le campement près de la rivière situé dans le quartier de la Gianchette à Vintimille a été démoli mercredi 18 avril au matin par les bulldozers, les voitures blindées, et l’attirail habituel utilisé pour ce genre d’occasion. Nous proposons la traduction du début d’un texte paru la veille du démantèlement sur le site Parole sul confine.

Présence constante de 150 à 200 personnes en moyenne en déplacement à travers l’Europe. À partir du printemps 2016, des camps spontanés ont vu le jour sous le pont près de la rivière. Des couvertures jetées sur des cartons étaient les premiers signes d’une installation précaire, mais nécessaire, pour passer les nuits d’attente entre les tentatives de passage de la frontière italo-française. Puis, parmi les migrants les plus organisés, les premiers sacs de couchage, matelas et tabourets ont émergé. Lentement, un peu « donné par des bénévoles » et un peu « construit avec des moyens du bord » (morceaux de fer, bâtons et bâches en plastique), ont apparu ces derniers mois des tentes, des cabanes et des tipis. À un certain moment, quelqu’un a cru nécessaire d’aménager une zone du terrain, entre des broussailles et les graviers poussiéreux, qui servirait de mosquée : tapis, grandes pierres pour délimiter la zone, étagère rouillée pour déposer deux ou trois écritures sacrées. Dernièrement, de plus en plus de structures ont surgi comme de véritables maisons de bois, faîtes de bâches et de couvertures. Un générateur électrique et un fourneau ont été récupérés. Une personne qui était particulièrement optimiste et entreprenante avait ouvert un kiosque à emporter dans l’un de ces baraques avec des tasses de lait chaud, samosa frit, et des plats de légumes chauds.

Parmi les tas d’ordures, les combats entre trafiquants, les contrôles quotidiens, les évasions audacieuses en France, les déportations vers le sud de l’Italie, les familles qui se séparent et les amis qui se retrouvent, les affaires, licites ou illicites, se poursuivent comme elles peuvent. Mais la situation devient de plus en plus tendue, de violentes querelles éclatent entre les différentes nationalités : contrôler le trafic, gagner une tente vide, voler les rares biens avec lesquels voyagent les migrants, pour la fatigue, la peur, la frustration.

 

Le quartier de la Gianchette se plaint, les tensions de ces derniers mois et les crises permanentes alimentent une intolérance populaire qui devient de plus en plus sourde à toute solution raisonnable. Les institutions refusent également de considérer un centre de transit digne et protégé pour les femmes et les mineurs. Il reste alors l’infâme Croix-Rouge, trop lointaine et trop dangereuse pour ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas se retrouver entre les mains de la police qui entoure le terrain et contrôle les empreintes digitales de quiconque y pénètre.

Le printemps est maintenant terminé, les arrivées vont augmenter car le beau temps et la mer calme pousseront les gens à essayer la traversée de la Méditerranée : il faut « nettoyer » Vintimille, donner un bon coup d’éponge à tout ce qui prolifère sous le pont. Et toujours, les patrouilles de police augmentent, les garnisons militaires sont invoquées, il y a des réunions entre l’administration municipale, la préfecture, le poste de police, les comités de citoyens. Les élections politiques consacrent les droits anti-immigration ; les gens du quartier propagent les insultes aux migrants et à tout ceux, volontaires ou associations, essayant de leur donner un coup de main. La bouteille est pleine et le bouchon, pour la millième fois, est sur le point de sauter à nouveau.

Voilà encore une fois : l’ordre d’expulsion de printemps-été du camp des migrants à Vintimille ! Cette fois nous sommes en 2018 mais les causes, la dynamique et malheureusement les conséquences sont les mêmes que d’habitude. Cette fois-ci ce ne sera pas aussi simple que comme cela s’est passé cet hiver : il faut tout démonter. Cette fois il n’y a pas que des sacs de couchage, mais une vraie citadelle qui, s’étendant comme une énième jungle européenne, vient toucher les consciences, la vie tranquille et le décor d’une ville qui ne veut pas accepter d’être, mais aussi de s’organiser, pour ce qu’elle est : une ville frontalière devant une frontière boulonnée.

La suite de l’article (en italien) ici.

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