Dernières nouvelles de Frontex

Article tiré de la revue Canons Rompus.

Le 6 octobre 2016, l’agence Frontex est devenue l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (EBCG). Dans le cadre de la fermeture des frontières et de la délégation de la « gestion des migrants » à des pays non-européens, cette agence prétendait sauver les exilé.e.s alors même qu’ils et elles étaient refoulé.e.s ou abandonné.e.s à leur sort en mer. L’opération Sophia par exemple, lancée en 2015, faisait patrouiller des navires de guerre aux quatre coins de la Méditerranée pour faire la chasse aux barques et aux canots des exilé.e.s.

Frontex était une force armée transnationale qui ne disait pas son nom ; à sa création en 2004, son budget était de 6 millions d’euros. En 2016, il était de 238 millions.

Pourtant Frontex ne paraissait pas assez puissante. On a donc constitué cette nouvelle agence EBCG, qui a pour missions officielles de :

– recueillir et traiter les données (empreintes, fichage…) en temps réel ;

– donner une formation commune aux différents garde-frontières européens, créer des normes communes ;

– être une « passerelle » entre les industriels et les corps de garde-frontières pour « proposer les dernières innovations technologiques pouvant répondre à leurs besoins » ;

– constituer une force de 2 500 soldats dont 1 500 réservistes ;

– surveiller les frontières européennes, repérer leurs « points faibles » et y envoyer des troupes.

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Alors que Frontex ne disposait pas de son propre personnel mais dépendait des contributions volontaires des États membres, la nouvelle agence a ses propres troupes, et peut les lancer où elle le souhaite sans dépendre de quiconque… Elle se saisit elle-même, peut exiger des mesures juridiques d’un État membre et, si elle estime ces mesures insuffisantes, intervenir militairement y compris contre l’avis de l’État concerné. Elle peut aussi lancer des opérations sur le territoire d’États non-européens (Turquie, Libye, Égypte).

Elle dispose des équipements des États membres : navires, avions, hélicoptères, drones, accès aux systèmes de surveillance satellitaires Copernic et Eurosur…

Enfin, elle constitue des « équipes européennes d’intervention en matière de retour » (c’est-à-dire d’expulsion) et prévoit de mettre en place un laissez-passer unique européen destiné à faciliter les expulsions.

N’oublions pas le formidable marché que tout cela représente pour les firmes privées (Finmeccanica, Airbus, Thales, Safran essentiellement) : équipement des douaniers, technologies de surveillance, infrastructure informatique… Les mêmes intérêts capitalistes qui sont la cause des guerres aux portes de l’Europe (ou de leur perpétuation) profitent du marché de la gestion des « flux de populations » qui en sont la conséquence directe.

La guerre aux frontières est une guerre menée par l’Union européenne contre les migrant.e.s. Fermer les frontières, c’est rendre leur franchissement plus difficile, donc plus coûteux et surtout plus dangereux. Dans les neuf premiers mois de 2016, 3 500 personnes sont officiellement mortes rien qu’en mer Méditerranée.

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