Quelques nouvelles sur la situation à la frontière entre l’Italie et la Suisse

Depuis cet été, un nombre croissant d’exilés essayant de rejoindre l’Allemagne ou les pays nordiques tentent leur chance en passant par la frontière Suisse, au niveau du Canton de Tessin, entre les villes de Chiasso et Côme en Italie.

Les autorités helvétiques, voyant le nombre de réfugiés devenir de plus en plus important, décrètent ne pas vouloir devenir un pays de transit, et bloquent leur frontière en augmentant le nombre de gardes et de contrôles routiers et ferroviaires, en utilisant des caméras de surveillance et des moyens militaires comme les drones pour repérer toute présence suspecte. Face à la difficulté d’aller plus loin dans leur parcours, un campement à vu le jour début août dans un parc situé près de la gare de Côme et compte jusqu’à 500 personnes sans ressources, si ce n’est l’aide apportée par quelques soutiens et associations.

Les personnes réussissant à traverser sont donc pour la plupart interceptées par les gardes-frontières Suisses, après des contrôles effectués au faciès. Contrairement à ce que les réglementations prévoient en terme d’accueil et de demande d’asile, les douaniers ne prennent que quelques minutes pour « étudier » le cas de chacun, avant de les reconduire en Italie. En effet, les mineurs non accompagnés devraient être pris en charge, et les demandes de certaines personnes qui souhaiteraient obtenir l’asile ou rejoindre des proches en Suisse sont pour la plupart refusées. Des fouilles humiliantes à nu sont également effectuées, justifiées par une soi-disant lutte contre le trafic de drogue ou par le risque de possession d’objets dangereux… Les exilés parlent eux-même de conditions dégradantes dans le traitement qui leur est infligé.1

Les reconduites en Italie sont quotidiennes (plus d’un millier par semaine en moyenne début août), et de là, plusieurs fois par semaine, la police italienne charge les migrants rejetés à Chiasso dans des bus. Ceux-ci prennent la direction du sud de l’Italie et déposent leurs passagers à plus de 1000 kilomètres de Côme, à Tarante. Le but : éviter un autre Calais et modérer l’affluence dans le camp. Un long trajet de gare en gare s’en suit après pour remonter…

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Un centre sécurisé à vu le jour récemment dans la commune de Mendrisio en Suisse, à quelques kilomètres de la frontière afin de simplifier le travail des douaniers. Celui-ci fut aménagé par l’armée dans un hangar désaffecté, qui a d’ailleurs trouvé de bon goût d’y tendre des bâches couleur camouflage militaire, certainement pour rappeler aux réfugiés que la guerre qui leur est livrée n’a pas lieu que dans leur pays… Le centre ne servira qu’à héberger pour une nuit les personnes interpellées avant d’être reconduites en Italie.

Côté Italien, c’est un centre d’une capacité de 300 places (50 containers de 6 couchages chacun) qui est ouvert et géré par la Croix Rouge depuis le 19 septembre. Comme celui déjà en place à Vintimille, le but réel de cette structure est de garder un œil sur les gens qui veulent traverser la frontière, de les forcer à quitter les camps auto-organisés, les isoler de la ville (le camp se situe à 1,5 km de la gare) et des personnes qui les soutiennent, de sélectionner ceux qui ont accepté à contre-coeur de demander l’asile en Italie et d’identifier et d’expulser ceux qui refusent. Pour entrer dans le camp, il faut un badge et la zone est surveillée par la police, un couvre feu est de rigueur…

Le 11 septembre, une manifestation est organisée à Chiasso2 pour dénoncer les frontières et le racisme des contrôles arbitraires. Le 15 septembre, un cortège de 300 personnes a lieu à Côme3 et rassemble exilés et soutiens, il dénonce la logique de ghettoïsation mise en place avec les centres fermés, les déportations, les pressions policières, et revendique l’ouverture des frontières.

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Depuis cet été, les contrôles aux frontières se sont très largement renforcés sur tous les axes alpins, notamment à Vintimille et dans les vallées montagneuses environnantes, ou dans le Brennero (passage entre l’Italie et l’Autriche où un nouveau mur y est construit), confirmant s’il y a encore besoin de le faire, la volonté de blocage et de refoulement des exilés de la part des pays de l’UE. Chacun se rejette la responsabilité de l’asile et verrouille ses frontières, voulant éviter la contraignante prise en charge des personnes fuyant misère économique, guerre, ou famine. La Suisse ferme ses frontières car l’Allemagne fait de même, la France ferme ses frontières car l’Angleterre fait de même, et ainsi de suite… Les exilés sont forcés de passer d’un camp à l’autre tout au long de leur périple, depuis ceux en Turquie ou en Lybie avant même d’arriver en Europe, ou par les hotspots de Grèce et centres d’« accueil » et de rétention partout en Europe. Et qu’ils soient fermés ou soumis à conditions4, gardés par des « humanitaires » ou par des militaires, l’enfermement et le contrôle sont partout présents, les barbelés qui les entourent restent les mêmes. La menace de la déportation est constante, avec en plus depuis peu le risque d’être ramené dans des pays en conflit comme le Soudan, ce qui peut équivaloir de très près à une peine de mort. L’État Italien l’a notamment fait pour quarante huit personnes ramenées de force le 24 août dernier à Khartoum depuis Turin.

La logique de guerre menée aux exilés par les dirigeants Européens repose sur la fermeture des frontières et de chaque axe de passage au sein de leur territoire, l’enfermement et le contrôle exercé grâce à la force policière et militaire, et la sous-traitance aux pays tiers par le biais d’accord permettant les déportations et obligeant ceux-ci à agir de même. Dénoncer et agir contre ces politiques meurtrières reste donc plus que jamais une urgente nécessité.

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4 En Turquie, dans plusieurs camps d’internement, les réfugiés sont interdits de communiquer avec le monde extérieur et un «choix» leur est donné : soit ils restent internés sans limitation de temps, soit ils se font expulser là d’où ils viennent, ce qui signifie pour la plupart un retour dans leur pays en guerre. Notons par ailleurs que ces centres où sont fréquemment dénoncés violences, viols et rackets, sont construits en collaboration avec l’UE.

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