Lampedusa est une petite île italienne de 20 km2 située au sud de la Sicile. De nombreuses personnes qui traversent la mer sont amenées là, soit par les secours, soit parce que c’est le point d’entrée en Europe le plus proche des côtes africaines dans cette partie de la Méditerranée.
Depuis 1998, un centre sert de lieu pour regrouper et parquer ces personnes dites migrant-e-s. Ce centre, a changé de nom et de mode de fonctionnement depuis sa création. Tour à tour érigé dans des hangars près de l’aéroport, puis dans un bâtiment neuf construit exprès puis sur une ancienne base militaire, il a d’abord fonctionné en tant que CPT (centre de permanence temporaire) avec un régime fermé comme en prison, puis ensuite en tant que CPSA (centre de premier secours et d’accueil) où le régime était semi-ouvert (sortie à certaines heures possibles).
Après 2008, on lui a donné le nom de CIE (centre d’identification et d’expulsion), prison dont la principale fonction est d’enfermer les étrangers et étrangères pour les identifier et les trier : celles et ceux qui pourront être acheminé-e-s en Sicile ou vers une autre région d’Italie pour demander l’asile et les autres qui devront être expulsé-e-s.
Le CIE de Lampedusa est devenu un véritable symbole de la résistance des migrants et migrantes aux lieux de détention spécialement prévus pour elles et eux. Lieu de résistances multiples allant de grèves de la faim aux émeutes, la prison a brûlé 2 fois lors de révoltes contre des expulsions massives qui étaient prévues, une première fois en février 2009 et la seconde fois en septembre 2011.
Depuis l’automne dernier un nouveau type de centre est en fonction sur la petite île militarisée de Lampedusa : un Hotspot, c’est-à-dire un centre européen devant procéder à l’identification, l’enregistrement et la prise d’empreintes digitales des personnes arrivant en Europe pour séparer les personnes ayant le droit de demander l’asile et les migrant-e-s dit-e-s économiques. Or même si l’on vient d’un pays qui nous classe comme éligible à un dépôt de demande d’asile, laisser ses empreintes en Italie, c’est se condamner à ne pas pouvoir faire sa demande ou s’installer dans le pays que l’on a choisi, les accords de Dublin stipulant qu’une personne doit déposer l’asile dans le pays par lequel elle est entrée dans l’UE.
Les migrant-e-s refusant de laisser leurs empreintes digitales sont victimes de répression de la part des forces de l’ordre. Depuis plusieurs jours, ils et elles s’organisent et ont rédigé le vendredi 6 mai ce communiqué qu’ils et elles souhaitent voir diffuser massivement :
“Nous sommes des réfugiés arrivés en Europe pour échapper à la guerre, nous venons de Somalie, d’Érythrée, du Darfur, du Yemen et de l’Éthiopie.
Nous sommes traités de manière inhumaine au sein du centre de Lampedusa, celles et ceux qui refusent de laisser leurs empreintes sont victimes de violence par les forces de l’ordre. Si nous ne laissons pas nos empreintes, les opérateurs en charge de la gestion du centre nous agressent verbalement et physiquement, ils nous discriminent lors de la distribution des repas, et nous interdisent de jouer au foot dans la cour. Les matelas sont remplis de l’eau stagnante des salles de bain, ce qui peut nous causer des maladies. Il y a des mineurs, des femmes enceintes, et des personnes avec des problèmes de santé qui ne reçoivent pas de traitement adéquat.
Nous sommes à Lampedusa certains depuis deux mois, d’autres depuis quatre mois. Tant que nous n’aurons pas la possibilité de quitter cette prison vers un lieu garantissant des conditions de vie plus dignes, nous refusons de laisser nos empreintes.
Nous sommes venus par nécessité de liberté, d’humanité et de paix, ce que nous pensions trouvé en Europe.
Nous ne voulons pas être enfermés dans une prison alors que nous n’avons commis aucun crime, nous voulons une vie digne et obtenir la protection humanitaire au regard des situations dans les pays que nous fuyons.
Laisser nos empreintes dans ces conditions nous prive de la liberté de choisir notre avenir, notamment de pouvoir rejoindre nos proches installés dans d’autres pays.
Nous voulons quitter Lampedusa et obtenir la protection humanitaire
Nous sommes nombreux à être en gréve de la faim et nous n’arrêterons pas tant que les autorités n’auront pas répondu a nos demandes.”
Communiqué traduit du site du collectif Askavusa (Lampedusa) repris sur Marseille Infos Autonomes.