Rapport de l’AIDA sur l’Italie (mise à jour 2017)

Nous proposons une traduction des grandes lignes issues du rapport 2017 sur l’Italie, principal pays de renvoi Dublin depuis la France, mis à jour par l’ASGI (Association pour les études juridiques sur l’immigration).

Le rapport mis à jour de l’AIDA (Asylum Information Database) sur l’Italie documente l’évolution de la procédure d’asile, les conditions d’accueil, la détention des demandeurs d’asile et le contenu de la protection internationale tout au long de 2017.

L’année 2017 a été caractérisée par la répression policière, politique et judiciaire des organisations non gouvernementales (ONG) qui sauvent des vies en mer et par la mise en œuvre d’accords de coopération avec des pays africains comme la Libye, tandis que des barrières à l’accès au territoire été observées aux frontières septentrionales du pays, dans le contexte de l’augmentation des arrivées en provenance d’Autriche.

Manifestation à Gorizia – décembre 2017

Procédure d’asile

De graves obstacles continuent d’être signalés en ce qui concerne l’accès à la procédure d’asile en Italie. Plusieurs quartiers généraux de police (Questure) dans des villes comme Naples, Rome, Bari et Foggia ont fixé des jours précis pour demander l’asile et limiter le nombre de personnes autorisées à demander l’asile un jour donné, tandis que d’autres ont imposé des barrières à certaines nationalités. À Rome et à Bari, les ressortissants de certains pays sans passeport en cours de validité ont été empêchés de demander l’asile. Dans d’autres cas, les Questure situés dans des zones telles que Milan, Rome, Naples, Pordenone ou Vintimille ont refusé l’accès à l’asile aux personnes sans domicile enregistré, contrairement à ce que prévoit la loi. Des obstacles ont également été signalés en ce qui concerne le dépôt des demandes, plusieurs entreprises telles que Milan ou Potenza ayant illégalement refusé de compléter le dépôt des demandes de candidats qu’elles jugeaient ne pas avoir besoin de protection.

Depuis décembre 2017, l’Italie a mis en place une procédure Dublin spécifique aux Questure dans la région du Frioul-Vénétie-Julienne à la frontière avec l’Autriche et la Slovénie, avec le soutien de l’EASO. Selon cette procédure, dès qu’un « hit » Eurodac (1) est enregistré, le Questure déplace le rendez-vous d’hébergement à une date ultérieure et notifie une décision de transfert de Dublin aux personnes concernées avant cette date. Les candidats sont donc soumis à un transfert Dublin avant d’avoir déposé leur demande, reçu des informations sur la procédure ou eu un entretien.
Une nouvelle loi sur la protection de l’enfance adoptée en 2017 a fixé des règles sur l’évaluation de l’âge des enfants non accompagnés. Actuellement, cependant, la nouvelle loi n’est pas correctement appliquée. L’évaluation de l’âge est effectuée uniquement par radiographie du poignet, la marge d’erreur n’est pas écrite sur le rapport et la décision est notifiée plusieurs mois plus tard, voire même pas adopté. De plus, le demandeur est souvent traité comme un adulte en attendant l’évaluation de l’âge, ce qui est contraire au principe du bénéfice du doute.

Conditions d’accueil

Malgré l’augmentation continue de la capacité du système de protection des demandeurs d’asile et réfugiés (SPRAR), qui compte actuellement plus de 35 000 places financées, la grande majorité des demandeurs d’asile sont hébergés dans des centres d’accueil temporaire (CAS). Le CAS a accueilli près de 80% de la population fin 2017. A Milan, par exemple, le ratio SPRAR / CAS est de 1:10.
Le dénuement reste également un risque pour les demandeurs d’asile. Au moins 10 000 personnes sont exclues du système d’accueil, parmi lesquelles les demandeurs d’asile et les bénéficiaires de la protection internationale. Les établissements informels avec un accès limité ou inexistant aux services essentiels sont répartis sur l’ensemble du territoire national. Médecins Sans Frontières (MSF) a également signalé une augmentation des rapatriés de Dublin parmi les migrants sans-abri qu’ils ont aidés à Rome en 2017.

Tout au long de l’année 2017, à la fois en raison des problèmes liés à l’évaluation de l’âge et de l’indisponibilité des places dans des centres d’accueil dédiés, des cas d’enfants non accompagnés ont été accueillis dans des centres d’accueil pour adultes. Plusieurs recours ont été introduits devant la Cour européenne des droits de l’homme contre des conditions d’hébergement inappropriées pour les enfants non accompagnés.

Détention de demandeurs d’asile

Cinq centres de rétention avant expulsion (CPR) sont actuellement opérationnels, tandis qu’un nouveau hotspot a été ouvert à Messine. Cependant, des différences de traitement continuent d’être signalées par différentes autorités visitant les centres de détention, à savoir les hotspots de Lampedusa et de Tarente et les CPR de Caltanissetta et de Ponte Galeria. Les hotspots de Lampedusa et Taranto ont été temporairement fermés en mars 2018.

Contenu de la protection internationale

Dans le cadre de la mise en œuvre du décret de qualification, le ministère de la Santé a publié le 22 mars 2017 les lignes directrices pour la planification de l’assistance et de la réhabilitation ainsi que pour le traitement des troubles psychologiques des réfugiés et des bénéficiaires de la protection internationale victimes de formes graves de violence psychologique, physique ou sexuelle. À l’heure actuelle, les lignes directrices semblent être appliquées à Rome et à Parme, tandis qu’un protocole d’exploitation est sur le point d’être signé à Trieste et à Brescia.

Lire le rapport complet (en anglais) ici.

(1) : Réponse d’Eurodac par « oui » ou par « non » (« hit » ou « no-hit ») à la requête d’un service national de police sur la présence ou non de données sur la personne recherchée dans un autre État membre.

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Grenoble, France : Perturbation d’un colloque de Frontex à l’université

Jeudi 22 avril, environ 150 personnes se sont rassemblées face au bâtiment IMAG de l’Université de Grenoble, dans lequel se tenait un colloque universitaire d’acteurs de la militarisation des frontières (Frontex, Euromed police, Europol, etc) qui s’intitulait « De Frontex à Frontex, vers l’émergence d’un nouveau corps européen de gardes côtes ». Etaient notamment présents le président d’Euromed police et le directeur des affaires juridiques de Frontex [1]. Slogans, table de presse et diffusion de tracts étaient au programme de cet après-midi.

Les organisateurs du colloque ont fait le choix de le maintenir sous haute surveillance policière, les entrées étant filtrées par des membres de la BAC.

Vers 16 heures, le groupe de plus d’une trentaine de personnes s’est dirigé vers la salle de conférence afin de perturber l’intervention du chef d’Euromed police, et d’interpeller les membres du colloque. Des participant.e.s ont alors ouvert les portes aux manifestant.e.s qui sont entré.e.s en scandant des slogans pendant une dizaine de minutes et laissant le temps de faire un tag dans la salle disant « FRONTEX tue ».

La police, en tenue anti-émeute est intervenue, frappant sans sommation les manifestant.e.s afin de les faire sortir. Bloquée contre un mur, des dizaines de personnes ont du faire face aux policiers sans pouvoir éviter les coups. De nombreuses personnes ont été blessées et certaines d’entres elles ont dû être hospitalisées. Il semble qu’il n’y ait pas eu d’arrestation.

Article repris de du site Sans attendre demain.

[1] La présence au colloque d’Hervé Yves Caniard, le directeur de l’Unité des affaires juridiques de Frontex, ainsi que « la venue de Michel Quillé », ancien commissaire de police aujourd’hui aux manettes du projet Euromed Police IV [https://www.euneighbours.eu/fr/south/eu-in-action/projects/euromed-police-iv]. Entendez par là un programme lancé en 2016 afin de renforcer la coopération « sur les questions de sécurité » entre les pays du sud de la Méditerranée et les États membres de l’Union européenne.

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La frontière tue dans les Hautes Alpes…

Les refoulements provoquent des drames, et des morts à la frontière franco/italienne, ci-dessous des liens vers quelques articles…

Depuis 2015 le gouvernement français a rétabli les contrôles aux frontières, suspendant d’une manière dérogatoire qui tend à devenir permanente, l’application de ce qui est la base de l’espace Schengen, au prétexte de menace terroriste mais de manière claire pour durcir sa politique anti-migratoire. Ces contrôles se sont particulièrement développés à la frontière franco-Italienne, du littoral et de la vallée de la Roya en remontant jusqu’à la Savoie, au fur et à mesure que les exilé-e-s empruntaient des routes toujours plus dangereuses par la montagne. La mise sous surveillance policière de la zone frontalière pèse tant sur les exilé-e-s que sur les personnes solidaires.

Lorsqu’une personne est arrêtée sans titre pour entrer sur le territoire et qu’il peut être établi qu’elle vient d’un État voisin, il existe des procédures légales il existe des procédures légales pour l’y renvoyer, accords de réadmission, transfert dans le cadre du règlement Dublin III en cas de demande d’asile. À la frontière italienne, la police française refoule les exilé-e-s en dehors de toute procédure légale, sans considérations liées au droit d’asile, à la minorité, à l’état de santé et à la vulnérabilité des personnes, aux dangers de la montagne… (la suite de l’article ici)

A lire également :

– un récit de la maraude du 10 mars où une personne solidaire s’est vu arrêtée par les forces de l’ordre avec à son bord une femme enceinte sur le point d’accoucher, ses deux enfants et son mari,

– la traduction d’un article italien du 23 mars informant qu’une autre femme enceinte renvoyée en Italie par la gendarmerie française à la frontière de Bardonecchia vient de perdre la vie,

– le communiqué du 24 mars des occupants de l’église de Clavière (Italie) dont une salle est actuellement réquisitionnée depuis jeudi par des personnes tentant de passer la frontière et des solidaires.

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Le mythe des expulsions volontaires – « Retour volontaire et réintégration assistée » depuis la Grèce

Article de Muriel Schweizer et Valeria Hänsel, repris et traduit de l’anglais par nos soins à partir du site d’information harekactgreece.

Le nombre de personnes qui acceptent un retour « volontaire » de la Grèce vers leur pays d’origine avec le programme « Retour volontaire et réintégration assistée » de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) est significativement plus élevé que le nombre d’expulsions vers la Turquie depuis la déclaration UE-Turquie. Qu’advient-il des personnes qui s’inscrivent au programme de retour de l’OIM pendant le processus et après le retour dans leur pays d’origine ? Pourquoi les demandeurs d’asile acceptent-ils de quitter l’Europe ? L’observation de plusieurs cas révèle que de nombreux migrants sont confrontés à la détention et à de graves préjudices pendant et après leur participation au programme de « Retour volontaire et réintégration assistée ».

Protestation contre les politiques de retour volontaire assisté de l’OIM à Mytilène, 3 avril 2017.

Retour « volontaire » dans la théorie – sécurité et dignité

En juin 2016, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) en Grèce a lancé un programme de « retour volontaire et de réintégration assisté » (Assisted Voluntary Return and Reintegration – AVRR), visant à renvoyer les migrants de Grèce dans leur pays d’origine.

L’OIM facilite le retour des demandeurs d’asile d’Europe vers leur pays d’origine, même s’ils sont toujours en cours de procédure d’asile. L’objectif officiel du programme est de « leur donner la possibilité de retourner dans leur pays d’origine avec sécurité et dignité » selon le rapport annuel 2016/17 de l’OIM Grèce.

Le programme semble fonctionner avec succès : depuis son introduction en Grèce en juin 2016 jusqu’à la fin de décembre 2017 : 9.089 personnes ont été renvoyées de Grèce vers leur pays d’origine par le biais du programme de retour volontaire.

Au cours de la même période, « seulement » environ 2 100 personnes ont été expulsées de force vers la Turquie dans le cadre de l’accord UE-Turquie et de l’accord de réadmission gréco-turc. La majorité des rapatriés sont des citoyens pakistanais, suivis des géorgiens, des irakiens, des bangladais et des iraniens.

L’AVRR est fortement soutenu par l’Union Européenne : 75% du programme est financé par le Fonds Asile, Migration et Intégration de l’Union Européenne (AMIF) et 25% par le Ministère Hellénique de l’Intérieur. La Commission européenne pousse fréquemment à étendre les capacités du programme et à fournir des incitations pour renvoyer plus de personnes dans leur pays d’origine sur une base supposément volontaire.

L’AVRR en pratique – Détention et maltraitance

En réalité, le traitement des personnes participant au programme AVRR est loin de la « sécurité et de la dignité » déclarées. À Lesvos, les rapatriés doivent signer un accord avec l’OIM avant leur retour, déchargeant l’organisation de toute responsabilité, indiquant “qu’en cas de blessure ou de décès pendant et / ou après la […] participation au projet de l’OIM, ni l’OIM, ni aucun autre organisme ou gouvernement participant ne peut en aucune manière être tenu responsable.”

Déclaration de retour volontaire, photographiée par un participant du programme de retour de l’OIM sur Lesvos

Il n’est donc pas surprenant que de nombreuses personnes soient réellement exposées à une forte violence après avoir décidé de retourner « volontairement » dans leur pays d’origine.

Dans les îles grecques, la majorité des rapatriés sont immédiatement détenus dans des centres de pré-éloignement dans les « hotspots » après avoir signé l’accord de l’OIM. Certains d’entre eux ont déjà été détenus avant d’accepter de revenir « volontairement ».

Après des semaines ou des mois dans la section de la prison, les soi-disant « bénéficiaires » du programme de l’OIM sont transportés sur le continent par ferry, où ils sont à nouveau détenus dans l’une des six prisons avant leur départ (Amygdaleza, Corinth, Drama Paranesti, Orestiada, Tavros Petrou Ralli ou Xanthi). Là encore, ils doivent attendre des semaines ou des mois pour leurs retours. Dans certains cas, leurs téléphones et leurs effets personnels sont confisqués pendant la période de détention.

En détention, les conditions de vie terribles et la brutalité policière ne font pas exception. La Cour européenne des droits de l’homme a qualifié à plusieurs reprises les conditions de détention dans les prisons grecques de traitements dégradants et, malgré les promesses de réforme, des décès se produisent encore dans les prisons d’immigration, par exemple en raison de traitements médicaux refusés.

Le centre de détention avant expulsion du camp de Moria, Lesvos

La cruauté de la pratique de l’AVRR devient évidente dans les expériences individuelles des migrants qui ont participé au programme :

Abdul (nom changé) a été détenu pendant plus de trois mois dans la section de pré-éloignement du camp de Moria sur l’île de Lesvos – seulement basé sur sa nationalité. En tant que citoyen algérien et donc membre d’une nationalité avec un faible taux de reconnaissance pour la protection internationale, il doit suivre une procédure accélérée spéciale avec des chances minimales d’être reconnu. Pour finalement échapper à la situation désespérée dans le centre de détention, Abdul a décidé de participer au programme AVRR. Quelques jours après son inscription au « retour volontaire », la police a fait une descente dans la section de détention. Bien qu’Abdul n’ait commis aucun crime ni enfreint aucune règle, son conteneur a été perquisitionné, il a été sévèrement battu et privé d’accès à une douche, n’a pas été autorisé à changer de vêtements pendant trois jours et son téléphone a été confisqué.

Gabriel (nom changé) avait été bloqué sur l’île de Lesbos pendant six mois. Confronté aux conditions terribles de Lesvos, vivant dans une tente d’été fragile durant l’hiver 2016/17, et affecté par la violence continue dans le camp, il a décidé de retourner « volontairement » dans son pays natal, l’Ethiopie. De retour en Ethiopie, il espérait pouvoir obtenir un visa pour poursuivre ses études d’ingénieur aux Etats-Unis. Pris au piège à Lesvos, il n’a pas pu accéder à l’ambassade américaine située à Athènes.

Quelques semaines après avoir accepté le retour volontaire, Gabriel fut soudainement arrêté. Il a rapporté : « La police m’a arrêté moi et un autre groupe d’hommes. Après un moment, ils nous ont attachés ensemble et nous ont mis sur un ferry. Nous étions tous des « retours volontaires », mais ils nous traitaient comme des voleurs. Pendant le voyage, ils ont refusé de nous donner de la nourriture. […] Nous n’avions même pas le droit de nous asseoir seuls sur les toilettes, si quelqu’un devait aller aux toilettes, l’autre gars qui était attaché à lui devait aussi entrer aux toilettes et s’asseoir à côté de lui. »

Après son arrivée à Athènes, Gabriel a été transféré à la prison d’Amygdaleza dans un bus de la police où il est resté deux semaines jusqu’à ce que son avocat appelle l’OIM et qu’il soit transféré dans un camp fermé où Gabriel attendait son vol pour l’Ethiopie. Il a décrit la réalité de la vie à Amygdaleza : « Ceux qui avaient une carte de téléphone appelaient les officiers de l’OIM pour leur demander la procédure, mais la plupart des prisonniers n’avaient rien, il y avait des réfugiés qui attendaient depuis plus de 6 mois mais n’ont reçu aucune réponse de l’OIM. Ils devaient quitter la Grèce dans les deux jours et retourner dans leur pays d’origine avec l’OIM, mais cela leur a pris plus de six mois. Il y avait une grève des repas tous les jours mais personne ne s’en souciait. Il y avait un grand nombre de pakistanais et de bangladais. Aucun d’entre eux n’ont réussi à rentrer chez eux, ils ont finalement appris de la police que l’OIM attendait qu’ils soient assez nombreux pour remplir deux avions. Beaucoup d’entre eux sont devenus fous. »

Le centre de pré-éloignement de Corinthe.

D’autres personnes doivent aussi faire l’expérience que, alors qu’elles sont déjà détenues, elles ne peuvent pas être renvoyées dans leur pays d’origine avec le programme de l’OIM. Elles sont alors coincées dans des limbes dévastateurs, incapables d’avancer et incapables de revenir en arrière.

Adnan (nom changé) du Pakistan a signé pour l’AVRR après quelques mois sur Lesvos. Ses chances d’obtenir le statut de réfugié étaient faibles, ses enfants et sa femme lui manquaient et il avait désespérément besoin de trouver du travail pour rembourser les dettes que sa famille avait contractées pour son voyage en Europe. Après quelques mois d’attente à Lesvos, il a été transféré au centre de pré-éloignement d’Amygdaleza près d’Athènes. Il a été gardé là pendant cinq mois sans être informé de sa procédure ou quand il pourrait retourner au Pakistan. Finalement, il a été renvoyé à Lesvos : l’ambassade de son pays d’origine ne l’avait pas accepté en tant que citoyen et a refusé de lui délivrer un document de voyage.

Après le retour – Une chaîne d’emprisonnement continue

La chaîne de l’emprisonnement et de la violence continue souvent dans les pays d’origine des rapatriés.

Les personnes qui ont été renvoyées au Pakistan signalent qu’elles ont été immédiatement arrêtées à l’aéroport. Elles ont été menacées d’être détenues pendant environ 10 à 20 jours et ensuite condamnées par le tribunal pour deux à trois mois supplémentaires pour avoir quitté illégalement le Pakistan si elles refusaient de payer une amende d’environ 10.000 à 30.000 roupies pakistanaises (environ 70-220 €) ). Lorsque les rapatriés ont été condamnés par un juge, ils doivent payer un montant similaire ou rester en prison. De cette façon, les rapatriés doivent remettre la majeure partie de leur « argent de réintégration » de 500 euros du programme AVRR directement à la police pakistanaise. Voir aussi: Évaluation des accords de migration par l’Université d’Utrecht

Des situations similaires sont créées dans d’autres pays : la famille d’une personne « revenue volontairement » en Iran aurait été contrainte par les autorités à payer plusieurs milliers d’euros de pots-de-vin pour empêcher l’emprisonnement de leur fils.

Pour certaines personnes, participer au programme AVRR peut non seulement conduire à l’emprisonnement mais met en danger leur vie : Gabriel avait fui son pays en tant que militant dans l’opposition politique et membre d’une minorité ethnique persécutée. Avant de renoncer à son droit de demander l’asile et de décider de s’inscrire au programme de l’OIM, il a déclaré : « J’ai décidé de retourner en Ethiopie. Je sais que je pourrais être mis en prison et être torturé, mais je suis dans une prison ici et des gens meurent aussi dans cette prison. » Voir aussi le rapport du Centre juridique Lesbos.

Quand il a finalement été déporté d’Athènes en Ethiopie, sa prédiction est devenue vraie . Il a rapporté : « Après mon arrivée, j’ai passé six heures avec ma famille. Puis deux hommes sont arrivés avec un pick-up. Ils m’ont mis un pistolet sur la tête, m’ont forcé dans une voiture et m’ont emmené dans un endroit souterrain. Ils ont pris mes papiers, m’ont posé des questions interminables, m’ont frappé et m’ont torturé. Je suis resté dans cet endroit pendant deux semaines. » Les tortures l’ont convaincu qu’il serait assassiné mais finalement il a été libéré et a réussi à fuir à nouveau le pays pour sauver sa vie.

Cellule dans le centre de pré-éloignement à Corinthe, en Grèce.

Qu’est-ce qui pousse les gens à accepter un retour « volontaire » dans leur pays d’origine ?

Il y a un certain nombre de raisons pour lesquelles le programme AVRR est considéré comme un « succès » et attire un grand nombre de participants – malgré les dures réalités pour les personnes expulsées.

1. La situation générale sur les îles et les procédures d’asile prolongées

Les demandeurs d’asile des îles grecques sont confrontés à des conditions de vie inhumaines dans les hotspots. Ils souffrent du manque de logements adaptés, de nourriture suffisante et d’installations d’hygiène décentes. Sur le continent grec, les conditions sont également précaires dans de nombreux endroits. Ces conditions poussent les demandeurs d’asile à abandonner leur droit à la protection internationale et à retourner dans leur pays d’origine.

La procédure d’asile est longue et fatigante et les chances de succès sont très faibles, en particulier dans le cadre de la procédure dite « de procédure accélérée » mise en œuvre sur les îles grecques depuis la déclaration UE-Turquie. Certains demandeurs d’asile ont été bloqués sur les îles depuis le 18 mars 2016 avec des demandes d’asile en attente. De plus, il existe de sérieux doutes sur la qualité, la transparence et l’équité des décisions du service d’asile grec et du Bureau européen d’appui en matière d’asile. Un grand nombre de demandeurs d’asile sont rejetés malgré la certitude qu’ils seront confrontés à la persécution dans leur pays d’origine .

Si la demande d’un demandeur d’asile est rejetée ou déclarée irrecevable, la personne peut faire appel de la décision négative ou revenir avec le programme AVRR . Dans le cas d’un appel, ils seront très probablement expulsés en Turquie car le taux d’acceptation en appel est inférieur à 1%. Ainsi, dans la plupart des cas, les personnes doivent accepter de signer le soi-disant « retour volontaire » devenant leur seule option pour échapper à la déportation en Turquie ou à une période de détention encore plus longue.

2. Les détenus peuvent raccourcir leur période de détention

Parmi les migrants qui sont détenus, l’AVRR est considéré comme une méthode pour raccourcir leur période de détention. En avril 2017, de nombreuses personnes ont été arrêtées dans une vaste opération de police sur l’île de Lesbos. Toutes celles d’entre elles qui n’avaient pas demandé l’asile à ce moment avaient alors deux choix : soit demander l’asile et rester en prison jusqu’à la décision de la demande – ce qui peut prendre plus d’un an – soit s’inscrire au retour « volontaire » et être libéré. En conséquence, beaucoup de personnes arrêtées ont décidé d’accepter un retour « volontaire ».

Certains détenus dans le centre de pré-éloignement du camp de Moria ont rapporté que le personnel de l’OIM se rendait à plusieurs reprises dans le centre de détention et « offrait » la possibilité à des personnes désespérées de s’inscrire au programme AVRR.

3. C’est le seul moyen d’éviter la détention en Turquie

Même si les migrants ne sont pas contraints de rentrer, l’AVRR est souvent leur seule solution pour éviter la détention dans les centres de renvoi turcs. Les personnes dont les demandes d’asile sont rejetées et qui ne demandent pas d’AVRR seront expulsées vers la Turquie. De retour en Turquie, tous les non-Syriens (et certains Syriens) sont transférés dans des centres de détention fermés où ils peuvent être officiellement maintenus jusqu’à 12 mois. Les conditions de détention sont encore pires qu’en Grèce et de nombreux détenus ont signalé des abus de la part des gardiens de prison. L’accès à un soutien juridique ou autre est très limité. Comme la Turquie a seulement signé la Convention de Genève sur les réfugiés avec une restriction géographique, seul un citoyen européen peut demander l’asile. Les Syriens peuvent au moins bénéficier d’une « protection temporaire », mais ils sont souvent incapables d’accéder à des conditions de vie décentes et sont contraints à des conditions de travail abusives. En théorie, les membres d’autres nationalités peuvent demander une protection internationale auprès du HCR, mais les non-syriens sont plus susceptibles d’être détenus et éventuellement expulsés vers leur pays d’origine : selon la Commission européenne, depuis l’entrée en vigueur de l’accord UE-Turquie, seulement deux des déportés non-syriens ont obtenu le statut de protection en Turquie, 57 personnes attendent toujours la décision, 10 personnes ont été rejetées et 831 ont été expulsées sans pouvoir ou vouloir demander l’asile. Dans plusieurs cas, les détenus sont forcés de signer des documents de retour .

4. Les rapatriés bénéficient de petites incitations financières

Les rapatriés dans le cadre du programme AVRR reçoivent environ 500 à 1.000 € avant leur retour et on leur promet de recevoir une prime de « réintégration » à leur arrivée dans leur pays d’origine. Cependant, dans certains cas, les rapatriés attendent depuis des mois sans recevoir leur aide à la réintégration dans leur pays d’origine et certains doivent dépenser l’argent qu’ils reçoivent en Grèce pour payer des amendes aux autorités locales.

Camp de Moria en novembre 2017.

Conclusion – Retours désespérés

Dans le contexte de la déclaration UE-Turquie et de ses conséquences, l’adhésion à « l’aide au retour volontaire et à la réintégration » est dans la plupart des cas une décision désespérée. Beaucoup de personnes sont littéralement brisées par les conditions de vie insupportables dans les camps de réfugiés en Europe et par une procédure d’asile qui ne respecte pas les normes fondamentales d’équité pour s’inscrire au programme de retour de l’OIM. Malgré les craintes sérieuses de retourner dans leur pays d’origine, les gens s’inscrivent à l’AVRR, ce qui donne une idée des conditions de vie dans les camps de l’UE.

Une fois que les migrants ont signé l’accord, l’OIM et les autres États et organismes participants semblent se considérer comme déchargés de la responsabilité du bien-être des rapatriés. Beaucoup de personnes qui s’inscrivent au programme AVRR n’ont rien à voir avec un retour « sûr et digne ». Avant leur retour, ils sont traités aussi mal que des déportés : transportés menottés, détenus et victimes de violences dans les centres de pré-éloignement. De retour dans leur pays d’origine, de nombreux rapatriés sont de nouveau exposés à la détention, à l’exploitation et à la persécution qu’ils ont fui en quête de sécurité et d’une vie décente en Europe.

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Soirée de soutien : Contes et musique d’Irlande – Samedi 24 mars à Saint Jean du Gard

Le collectif d’accueil solidaire de Saint jean du Gard vous propose une soirée de soutien :

CONTES et MUSIQUE d’IRLANDE

à la Maison Abraham Mazel à Falguières – Samedi 24 mars à 17h

Participation libre et petite restauration au profit des familles réfugiées accueillies à St Jean du Gard

Venez écouter !! Venez danser !!

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Cantine sans frontières – samedi 24 mars : repas Kabyle !!

Au menu de la cantine ce mois ci :

Galettes de poivrons
Couscous légumes / poulet
Cornes de gazelle / Makrouts

prix libre de soutien aux familles sans papiers.

A la rétive (42, rue du fbg d’auvergne à Alès), à 12h30.

Venez nombreu.ses et relayez !

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[Hautes-Alpes] Mobilisation contre l’expulsion du CHUM – mardi 13 mars

Depuis le 9 septembre 2017, le Centre d’Hébergement d’Urgence de Mineurs exilés (CHUM) de Veynes a accueilli plus d’une centaine de jeunes arrivant de la frontière italienne, car ni le Conseil Départemental ni l’État n’ont eu la volonté de mettre en place des dispositifs d’hébergement suffisants, pourtant de leur responsabilité ! Face à ces lamentables moyens institutionnels, ce lieu occupé et autogéré veut montrer qu’un accueil digne et réactif est possible.

Le 13 mars aura lieu à Gap, le procès d’expulsion du CHUM (tract ici : tract13mars) : ce lieu autogéré, organisé par des gens qui demandent à minima que les institutions respectent la loi, et qui proposent beaucoup mieux qu’elles. Ce procès, c’est la seule réponse officielle de l’État face à nos dénonciations, et l’on voit que pour protéger ses remparts, le rouage est huilé : huissiers, traitement des demandes d’expulsion, dans ce sens cela fonctionne bien ! Fait de briques et de brocs, le CHUM est un lieu de vie, de passage, d’échange, d’entraide qui répond à l’urgence constante et à un besoin criant d’humanité.

Au quotidien, écœuré par cette triste politique, le CHUM est rythmé de récups, de dons, de permanences médicales, d’accompagnements juridiques, de moments de partage, de visites prévues ou spontanées qui font du bien. Il continue à vivre, malgré nos gros cernes qui nous empêchent d’oublier cette triste réalité.

MOBILISONS NOUS POUR DÉFENDRE CE LIEU D’ACCUEIL SOLIDAIRE ET CONTINUONS À DÉNONCER LA POLITIQUE ANTI-MIGRATOIRE DE L’ÉTAT FRANÇAIS !!!!

  • RDV le 13 mars 9h30 devant le tribunal de Gap pour un petit déjeuner déterminé, avant le début du procès d’expulsion prévu à 10h30
  • Prises de paroles et discussions autour de la sale politique d’accueil des exilé-e-s par l’État français. Focus particulier sur les très difficiles prises en charge des soins et de la scolarisation des mineurs exilés dans les Hautes-Alpes
  • Et à midi : cantine collective devant le parvis du Conseil Départemental pour lui rappeler ses obligations d’accueil digne des mineurs exilés

Le collectif de soutien au CHUM

Pour être informé-e-s des avancées et des besoins du CHUM

inscrivez-vous à notre liste de diffusion (mail à chum-veynes@riseup.net)

ou appelez le 07 58 43 01 00

ou venez directement au CHUM : la « maison des chefs de gare » est située 23 avenue des Martyrs à Veynes (rond-point direction Grenoble, 300m à gauche)

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Rassemblement ce samedi 24 Février 2018, à 11h, devant le CRA de Nîmes

MAJ : Ismaël libéré !!

n°79 – Lettre d’information RESF 30 – 22 Février 2018.

Notre combat en ce qui concerne l’immigration, les sans-papiers et leurs enfants, continue : combat de solidarité et d’offensive.

Rassemblement ce samedi 24 Février 2018, à 11h, devant le Centre de Rétention Administrative

Arrestation et enfermement au CRA d’un jeune parrainé par l’Association Ados Sans Frontières !

 RESF  ” Réseau Education Sans Frontières ” constate une fois de plus que ces jeunes sont victimes d’une politique du soupçon permanent, voient leur minorité systématiquement contestée à l’issue d’une procédure d’évaluation injuste, partiale, et souvent malveillante.
                Il faut en finir avec la violation des droits des jeunes isolés étrangers.

 RESF  proclame haut et fort qu’il y a urgence à ce que les responsables politiques ouvrent les yeux ! Assez d’hypocrisie, il ne suffit pas de se réclamer des conventions internationales sur les droits humains, il faut les respecter ! C’est à vous messieurs Macron et Colomb que nous nous adressons.

Nous vous demandons d’accueillir dignement ces jeunes voulant trouver asile en France.

             ISMAËL  doit-être libéré du centre de rétention immédiatement, ce n’est pas la place d’un enfant qui réclame la protection de notre Pays.

RASSEMBLEMENT SAMEDI 24 FÉVRIER 2018 à 11heures DEVANT LE CENTRE DE RÉTENTION !

Avenue Clément Ader, près de l’Ecole de Police, proche aérodrome de Courbessac.

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Cantine sans frontières – samedi 24 février : repas Albanais !!

Au menu de la cantine ce mois ci :

Sallat Lakne (Salade aux deux choux)
Tasqebab (Soupe au boeuf)
Pilav me bizele (Risotto aux légumes)
Ravani (Gâteau moelleux)

prix libre de soutien aux familles sans papiers.

A la rétive (42, rue du fbg d’auvergne à Alès), à 12h30.

Venez nombreu.ses et relayez !

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Plus de victimes aux portes de l’Europe

L’OIM, l’agence des Nations Unies pour les migrations, rapporte que 8 154 migrants  et réfugiés sont entrés en Europe par mer durant les six premières semaines de 2018. Ce chiffre se compare à 12 358 arrivées dans la région durant la même période l’année dernière.

Sur ce nombre, l’Italie a reçu 4 731 personnes, 1 729 personnes sont arrivées sur les côtes grecques, et en Espagne, les autorités ont enregistré l’arrivée de 1 683 personnes.

À la même période, 401 personnes sont mortes alors qu’elles essayaient d’atteindre l’Europe – une augmentation par rapport à 2017, où 261 décès ont été enregistrés au cours de la même période.

Triste résultat de la politique Européenne de contrôle et de surveillance rendant les voies d’accès toujours plus dangereuses…

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