A lire, l’article de Clair Rivière qui vient de paraître dans CQFD, n°178 (Juillet/aôut 2019) :
En 2018, six personnes sont mortes chaque jour en essayant de traverser la Méditerranée. Pas assez pour l’Europe, qui fait tout pour empêcher le sauvetage des migrants par les ONG. Alors que l’Italie ferme ses ports et poursuit les secouristes en justice, les Pays-Bas donnent dans les tracasseries administratives. La France offre des bateaux aux gardes-côtes libyens, pourtant impliqués dans de sordides affaires de trafic d’êtres humains. À Tripoli, c’est la guerre ; viols et tortures sont quotidiens. Qu’importe : les victimes ne sont ni blanches ni riches.
Quand les gardes-côtes libyens ont intercepté leur canot, Farah, sa femme et leur bébé étaient en mer depuis douze heures. Ils fuyaient la Libye, après plusieurs mois de torture. Dans un triste hangar, Farah était battu et sa femme violée par des bandes criminelles libyennes tentant d’obtenir une rançon de leurs proches. « Je savais qu’il valait mieux mourir que retourner en Libye, mais ils nous ont menacés avec des armes », se souvient le jeune Somalien. La suite de son récit se passe à Tripoli. Sept mois de détention : « Il n’y avait pas de nourriture ou de soins pour mon bébé. Elle est morte à huit mois. Elle s’appelait Sagal. »
Rapporté par Amnesty International [1], ce témoignage n’a rien d’extraordinaire. Qu’ils proviennent d’ONG ou qu’ils émanent de l’ONU, les rapports se répètent : la Libye est un pays en guerre, une terre d’esclavage et d’horreurs.
Depuis Marseille, où il a déposé une demande d’asile, Valdo confirme : « En Libye, j’ai été de prison en prison. La dernière, j’y ai passé cinq mois. Pour en sortir, on a attendu que le gars vienne nous donner de l’eau et on l’a maîtrisé. On est sortis, mais les “Asma Boys” [2] sont arrivés. Ils nous ont tiré dessus. » Pour le jeune Camerounais, la messe était dite : il fallait fuir le pays. « On était 136 dans un Zodiac de 9 mètres. Ce jour-là, un autre Zodiac s’est perdu en mer. Il y a eu des morts : plus tard, sur le navire qui nous a sauvés, on a vu les gens qui pleuraient, qui avaient perdu leur enfant. Nous, on avait été secourus avant, juste au moment où des “Asma Boys” arrivaient encore. Quand ils vous prennent, ils vous ramènent, vous remettent dans des prisons et demandent de l’argent. Dieu merci, ce bateau nous a sauvés à l’heure exacte. »
Ce 5 mai 2017, quel bateau a donc sauvé Valdo ? Il ne sait plus trop. C’était peut-être le navire de sauvetage d’une ONG. Les vies qu’ils ont sauvées se comptent par dizaines de milliers. Mais depuis l’an dernier, ils n’ont quasiment plus droit de cité en Méditerranée.
La suite de l’article ici : http://cqfd-journal.org/Laisser-noyer-les-sans-papiers