Pia Klemp risque jusqu’à 20 ans de prison en Italie pour avoir sauvé des milliers de personnes en mer. Ci-dessous un article publié sur Marseille Infos Autonomes.
Pia Klemp, l’ancienne capitaine allemande des navires de sauvetage de migrants Iuventa, puis Sea Watch-3, est accusée par la justice italienne de “suspicion d’aide et de complicité à l’immigration illégale”. Alors que son procès a lieu en ce moment en Italie, se pose la question de la judiciarisation du sauvetage des migrants.
D’après les dossiers auxquels Pia Klemp a eu accès par son avocat, ce sont au moins quatre autorités d’enquête italiennes différentes qui ont travaillé contre elle et son équipage, dont les services secrets italiens. Le plus inquiétant reste que son navire a été mis sur écoute, tout comme les téléphones et les ordinateurs portables de l’équipage, le tout doublé d’une surveillance opérée par des informateurs présents sur d’autres navires. Le gouvernement ayant autorisé ces surveillances est celui de Paolo Gentiloni, le successeur de Matteo Renzi du Parti démocrate, deux ans avant l’arrivée au pouvoir de l’alliance entre la Ligue et le parti 5 étoiles.
L’enquête qui a mené au procès actuel doit donc déterminer si la capitaine Pia Klemp aurait “collaboré” avec des passeurs libyens afin de sauver les migrants perdus en mer grâce à son bateau : cette “complicité”, si elle était démontrée par la justice italienne, transformerait le statut de l’ex-capitaine du Sea Watch “d’humanitaire sauveteuse de milliers de personnes en mer” à “complice d’immigration illégale”. L’avocat italien de Pia Klemp a prévenu sa cliente qu’elle risquait 20 ans de prison.
Ce procès est la continuation d’une politique italienne tendant à criminaliser les sauvetages de migrants par les ONG au large de la Libye, en les accusant de complicité avec les passeurs et dont Pia Klemp fait les frais aujourd’hui.
La dernière opération du Sea Watch-3 a permis de sauver 67 migrants en détresse, ramenés par le navire sur l’île de Lampedusa, contournant ainsi la politique de Matteo Salvini de “fermeture des ports”. Le ministre de l’Intérieur italien n’a d’ailleurs pas mâché ses mots sur cette opération au moment du débarquement des migrants, après avoir demandé la saisie du navire et l’arrestation du capitaine :
Salvini : “Un navire a été saisi, alors j’avais peut-être raison. Ils ont aidé des trafiquants d’êtres humains et j’espère que le capitaine de ce navire sera arrêté.”
Les propos de Matteo Salvini souhaitant l’arrestation du capitaine du Sea Watch-3, font écho à ceux sur la complicité des ONG avec les passeurs “dans certains cas” de Christophe Castaner qui avaient fait polémique en France.
La bataille judiciaire à l’encontre de Pia Klemp est parallèle au changement de politique européenne face au drame des traversées clandestines de Libye vers l’Italie, faites d’embarcations pleines à craquer de femmes, d’enfants et d’hommes en détresse. Désormais le Conseil de l’Europe prône une collaboration avec les autorités libyennes. L’Union européenne a annoncé il y a trois mois qu’elle mènerait désormais l’opération navale “Sophia” (EUNAVFOR Med, lancée en 2015)… sans navires et qu’elle “n’observerait la mer que depuis les airs”. L’Allemagne a d’ailleurs stoppé la mise à disposition de navires pour cette opération.
L’objectif affiché de l’UE en 2019 est de “démanteler le modèle économique des passeurs et des trafiquants d’êtres humains dans la partie sud de la Méditerranée centrale.
Aujourd’hui, les gardes-côtes libyens patrouillent donc en Méditerranée et ramènent les bateaux de migrants en Libye, soutenus dans cette action par l’opération “Sophia”.
S”il est en effet avéré que s’il y a moins de traversées depuis la mise en place de cette nouvelle politique de retour en Libye, les agressions brutales, la torture et les violences sexuelles contre les migrants ont augmenté dans une proportion dramatique dans ce pays, comme le souligne une étude publiée par une ONG basée à New York, la Women’s Refugee Commission (WRC, Commission des femmes réfugiées).
Contre les politiques européennes criminelles en Méditerranée, en Libye et aux frontières que ces États ont externalisées en Afrique et au Moyen Orient, Turquie etc…!
Contre les États européens criminels, mobilisons nous du côté des exilé.es !
Soutenons la capitaine Pia Klemp face au gouvernement italien !