Alors que le nombre d’arrivées des exilés sur les côtés européennes est revenu à un niveau semblable à celui d’avant 2014, le nombre de morts en Méditerranée n’a quant à lui jamais été aussi élevé. Selon le HCR, pour le seul mois de juin 2018, une personne sur sept ayant traversé la Méditerranée centrale a trouvé la mort, par rapport à une personne sur 19 au premier semestre 2018 et une sur 38 au premier semestre 2017. Les causes de cette dangerosité grandissante sont directement imputables au renforcement des contrôles obligeant les candidats à l’exil à prendre toujours plus de risques pour atteindre l’Europe.
Comment peut-on alors dans ces conditions ne pas user du terme de « victimes » qui correspond pourtant clairement à cette réalité, plutôt qu’à celui de « morts » qui nie toute responsabilité dans le déroulement de ce drame ? Car il ne s’agit bien évidemment pas de simples « accidents » ni de morts « naturelles », mais de décès engendrés par des politiques criminelles de fermeture des frontières consciemment réfléchies et élaborées. Plusieurs dizaines de milliers de victimes en quelques décennies, les « dommages collatéraux » d’une guerre bien réelle… Et, non satisfait de ces funestes conséquences, c’est de surcroît le silence radio que les gouvernements européens voudraient dorénavant imposer en excluant les derniers témoins humanitaires de ce véritable carnage en mer.
C’est ainsi que le navire Aquarius, comme bien d’autres embarcations portant secours aux naufragés en Méditerranée, se voit retirer son pavillon et est bloqué à quai. Toujours selon le HCR, les ONG jouent pourtant un rôle essentiel dans le sauvetage des personnes en détresse en mer. Elles ont effectué environ 40 % des opérations de sauvetage entre janvier et avril 2018 pour les personnes débarquées en Italie. D’autres solidaires, comme les pécheurs tunisiens de Zarzis accusés d’avoir remorqué des êtres humains, sont victimes de la répression. Ceux-ci ont passé plus de trois semaines en prison, leur bateau demeure toujours saisi par la justice tandis que l’enquête judiciaire à leur encontre se poursuit en Italie. Si celles et ceux qui sauvent des naufragés sont jetés en prison, quelle responsabilité peut-on attribuer aux dirigeants qui jouent impunément avec leur vie ?
Mais dans ce monde à l’envers, la répression des solidarités et le rejet des exilés ne s’arrêtent pas à la Méditerranée. Les 58 rescapés de l’Aquarius ne peuvent nous faire oublier les milliers de personnes bloquées en Grèce, en Bosnie ou dans les Alpes… Ils deviennent alors l’incarnation du malaise qui saisit l’Europe en ce moment. Une fragile humanité en proie à la triste réalité d’un monde où la défense de ses propres intérêts et la stigmatisation de l’étranger condamne la liberté de circulation, où les actes de solidarités et de contestations sont criminalisés, et où la guerre et l’exploitation tuent les uns tandis qu’elles enrichissent les autres.
A l’heure où les politiques livrent à la mer puis jettent dans les rues des milliers de personnes exilées, et où les états se retranchent derrière leurs frontières pour légitimer leurs violences assassines, dénonçons plus que jamais cette guerre qui est menée et replaçons sur le banc des accusés les véritables coupables.
Nous relayons ici quelques mobilisations de soutien à l’Aquarius ce samedi 6 octobre :
– au Vigan à 10h30 (place du quai),
– à Montpellier à 12h (place de la Comédie), en soutien également aux Dublinés et aux squats de la ville menacés d’expulsion,
– à Nîmes à 14h30 (place de la Maison Carrée).
Dress code : vêtements oranges, bouées de sauvetage ou couvertures de survie.