[Grèce] Appel à solidarité face au procès des 35 accusés du camp de Moria et des 8 accusés du centre de rétention Petrou Ralli !!

Si la noyade des réfugiés dans la mer Égée est l’une des représentations de l’inhumanité engendrée par les politiques migratoires Européennes, le maintien en détention pendant des mois voire des années dans les hotspots grecs et dans les centres de rétention forme bien la partie répulsive de la forteresse. Et quand, désespérés de leur isolement et de leur emprisonnement dans des conditions sordides, les réfugiés fuyant la guerre et la pauvreté se plaignent, la réponse des autorités est là encore la répression.

Les 35 accusés de Moria : Le mardi 18 juillet 2017, pour la deuxième journée d’affilée, des manifestants s’assoient à l’extérieur du Bureau européen de soutien à l’asile situé dans le camp de Moria à Lesbos. Ils protestent contre les durées extrêmement longues du traitement de leurs demandes d’asile, dénoncent les conditions de vie déshumanisantes qu’ils doivent endurer dans le camp et demandent la possibilité de pouvoir se rendre en Grèce continentale pour les personnes qui sont restées sur l’île depuis plus de 6 mois. Cette liberté leur est refusée depuis l’entrée en vigueur de l’accord signé entre l’Union européenne et la Turquie le 18 mars 2016. S’en suit alors une répression violentela police anti-émeute grecque attaque les manifestants à coups de pierre, de gaz lacrymogènes et de grenades de désencerclement. Peu après la fin des affrontements et un semblant de retour « à la normale », les réfugiés de Moria doivent faire face à un raid des forces de l’ordre, qui prennent d’assaut les containers dans lesquels les personnes vivent, frappant indistinctement parmi celles-ci, jusqu’à arrêter 35 personnes au hasard et sans la moindre preuve d’une quelconque culpabilité.

Neuf mois plus tard, les 30 des 35 accusés demeurent emprisonnés dans quatre prisons du pays. Sur les 30 détenus, 10 sont en prison sur l’île de Chios, 13 à Korydallos (Athènes), six dans la prison pour mineurs d’Attica, et un a été transféré d’Attica à la prison de Malandrino (Grèce centrale). Des problèmes importants résultent de leur séparation, puisqu’ils ont été emprisonnés loin de leurs avocats et de leurs amis, aggravant leur isolement et leurs doutes, tout en faisant obstacle à la préparation de leur procès à venir. Les cinq autres sont soumis à des conditions restrictives à Lesvos. Les quatre chefs d’inculpation sont les suivants : « incendie volontaire pouvant intenter à la vie d’autrui », « violences volontaires répétées sur personnes dépositaires de l’autorité publique en l’espèce des policiers et des pompiers  », « dégradation de bien public par le feu », et « manifestation en bande organisée avec armes par destination à visage couvert ». Ces accusations peuvent mener à des peines d’emprisonnement de plusieurs années, et à une exclusion de la procédure de demande d’asile. Le procès des 35 accusés de Moria aura lieu le 20 avril à la cours d’assise du tribunal de Chios.

Les 8 accusés de Petrou Ralli : Le mercredi 31 mai 2017, les réfugiés emprisonnés dans le centre de rétention de Petrou Ralli se plaignent de leur détention. Ils frappent à la porte du couloir de leur aile et demandent une rencontre avec le directeur de la prison pour en savoir plus sur l’avancement dans le processus de leur détention, certains y étant maintenus depuis 8 à 10 mois. Plutôt que de leur accorder cette demande, les policiers envahissent alors les cellules et après avoir battu les prisonniers, procèdent à des arrestations arbitraires. Cette tentative de revendiquer leur droit fondamental à la liberté a conduit plusieurs personnes à être hospitalisées. Alors que les signes de brutalité (mains cassées, têtes meurtries, très nombreuses ecchymoses) étaient plus qu’apparents, les policiers portent immédiatement plainte contre plusieurs d’entre eux afin de couvrir leurs agissements. Ces derniers affirment que les réfugiés « auraient tenté de s’échapper en frappant la porte centrale de l’aile afin de la casser » et que dans leur tentative de fuite « ils auraient glissé et se seraient blessés par eux-même ». Les personnes sont accusées de « résistance aux autorités », de « tentative d’agression », de « port d’objets dangereux » et demeurent en prison à ce jour. Les 8 accusés de Petrou Ralli seront jugés à la Cour d’appel du tribunal d’Athènes le 27 avril.

Le traitement injuste et punitif des réfugiés par la police et les autorités judiciaires révèle l’inhumanité des accords conclus entre l’UE et la Turquie, et appliqués par le gouvernement grec. Pour les deux cas, le Ministère Hellénique de la Protection Civile a fait le choix de cette implacable démonstration répressive et autoritaire contre des personnes qui ont osé demander, après plusieurs mois d’incarcération, que les procédures d’examen de leurs demandes soient accélérées. Et ce sont bien les mêmes politiques, menées par le même gouvernement, qui dissimulent les refoulements illégaux le long du fleuve Evros séparant la Grèce de la Turquie ; qui sont responsables de la récente noyade à Agathonisi le 17 mars où 16 réfugiés ont été laissés seuls et impuissants à combattre les vagues pendant 24 heures, bien que les autorités compétentes aient été informées dès les premiers moments du naufrage ; et qui ont conduit à l’immolation le 26 mars d’un jeune syrien de 26 ans dans le camp de Moria agissant après que sa demande d’asile ait été rejetée pour la deuxième fois.

Les faits évoqués ci-dessus ne sont ni rares, ni isolés. La politique anti-immigration dans laquelle s’inscrit cet océan de répression et de désolation s’est intensifiée depuis 2015 avec l’augmentation des arrivées de réfugiés en Grèce. Les centres de détention tels que Petrou Ralli et les conditions d’enclavement exercées dans les îles de la mer Egée répondent à un modèle planifié de gestion de l’immigration. Récemment, le ministre grec de l’Immigration a annoncé que la prochaine étape après l’accord UE-Turquie serait la création de nouvelles prisons et l’expansion des centres de détention fermés déjà existants sur les îles, ce qui en soi est une confession pour augmenter la répression. En conséquence, le nombre de réfugiés emprisonnés augmentera, et pour l’écrasante majorité, le seul horizon après la détention sera l’expulsion.

Il importe donc d’unir nos voix avec les réfugiés emprisonnés et de soutenir la résistance à l’intérieur et à l’extérieur des murs, en exigeant le retrait des charges qui pèsent sur eux. Ce sont les politiques de pauvreté et de guerre qu’il faut combattre, non leurs victimes.

Solidarité avec les réfugiés victimes des politiques anti-immigration !

Retrait des charges et libération immédiate pour les 35 accusés de Moria et les 8 accusés de Petrou Ralli !

Infos reprises et traduites à partir de plusieurs articles et communiqués. Voir également :

le site d’info de la campagne de soutien aux accusés,

le communiqué de l’Assemblée solidaire des 35 migrants persécutés du camps de Moria et la déclaration de 5 des 35 accusés du camp de Moria,

un rapport illustrant les violations de droits et les résistances à Lesbos en janvier 2018 (en anglais),

un article revenant sur la situation à Lesbos durant l’été 2017.

This entry was posted in General. Bookmark the permalink.