Si dessous un témoignage audio d’une personne enfermée dans l’un des cinq centres fermés de Belgique, là où l’enfermement des étrangers peut se reconduire quasiment sans limites… Repris du site Getting the voice out.
“Moi actuellement je suis au centre fermé 127bis.
Avant j’ai vécu à Verviers, j’ai vécu 4 années là-bas.
Tout d’abord je voudrais dire que nous, nous les étrangers comme on nous appelle, nous ne venons pas ici pour être en charge des autres, des Européens. Nous venons ici pour participer à la vie. La plupart des gens qui viennent ici c’est parce qu’ils ont des problèmes dans leur pays : des problèmes de sécurité, des problèmes de guerre, des problèmes de famine ; donc ce sont à la fois des problèmes sociaux et économiques.
On vient ici parce qu’on voit les médias tout le temps, grâce à internet on a accès à tout. Tous les gens qui vivent en Afrique ou en Asie, dans les pays pauvres et dans le tiers monde, on voit que la vie est meilleure ici que là-bas, c’est pour cela que on vient trouver refuge ici.
Quand on vient chercher la liberté, la paix, on se retrouve dans un centre fermé. Il y a beaucoup de choses qui passent par la tête. Bien entendu, même le mot “centre fermé”, ça me dérange un petit peu, c’est comme si on appelle ça “centre fermé” pour apaiser les gens qui sont dehors, pour apaiser la société. A mon avis, on dit centre fermé pour dire que le modèle c’est pas la prison et pour leur dire qu’ici on est bien traité. Pour moi ici c’est pire que la prison, parce qu’en prison on sait combien de temps on va rester enfermé, ici on ne sait même pas combien de temps on reste en prison, on dépend du bon vouloir de l’Office des étrangers. Donc on peut rester 2 mois, on peut rester 4 mois, on peut même rester 8 mois et vivre sans savoir quand on va sortir, ça déjà c’est invivable, c’est invivable. Il y a beaucoup de choses qui passent par la tête.
Quand tu te retrouves enfermé, c’est l’espoir qui se transforme en désespoir, le réel qui devient cauchemar. Parce que j’ai toujours pensé que l’être humain n’a pas été créé, ne vit pas pour être enfermé. Le fait d’être enfermé ça peut transformer la personne. J’ai toujours été bienveillant envers les autres ; les autres c’est moi, ça a toujours été mon cas.
C’est la société belge qui m’enferme ici, ou bien c’est juste une partie de la société belge, ou bien juste les politiques belges qui m’ont enfermé ici – est ce que les politiques répondent à une démarche? Donc tout cela, ça passe par la tête , un petit peu difficile, franchement il y a un risque que la personne qui est enfermée ici perde ses valeurs d’humanité. Le risque c’est que l’amour se transforme en haine.
Quand on voit des manifestants parfois qui viennent ici pour manifester, là on comprend, mais si on ne voit pas les manifestants on croit que toute la société belge est d’accord avec ça.
Mais quand on voit parfois des manifestants qui viennent ici , crier ici pour la liberté pour nous soutenir, ça nous fait du bien, ça nous aide bien, ça nous remonte le moral, parce que là, on commence à penser, ah non, ce n’est pas l’ensemble de la société belge qui est d’accord qu’on nous enferme, c’est juste une partie de la société, donc il reste toujours un point positif, donc, quand on voit des manifestants venir ici, on se dit “ah heureusement dans la vie, tout n’est pas mauvais”, heureusement, même s’ils ne sont pas nombreux, il y a des voix qui s’élèvent pour dire non à tout cela. Pour dire non à cette politique inhumaine et pour nous soutenir.
J’ai envie d’ajouter d’autres choses mais j’ai le cœur serré, mais je veux dire … vive la liberté, l’être humain qui a toujours été innocent n’a pas été créé pour être enfermé.
L’être humain n’est pas fait pour être enfermé, jamais, jamais, je le dis ici, quand je sortirai du camp je continuerai à le penser et à m’activer pour que cela soit toujours la vérité, donc vive la liberté, vive la personne et vivent les valeurs humaines.”
D’autres infos sur les centres fermés en Belgique ici.