Une nouvelle tentative de passage entre le Maroc et l’Espagne a eu lieu le lundi 31 juillet dans la zone frontalière de Melilla à Beni Ensar. 400 personnes ont tenté de franchir la barrière qui sépare le royaume de l’enclave espagnole. Seuls quatre d’entre elles ont réussi à passer de l’autre côté. Le lendemain matin, c’est 300 personnes qui tentent un assaut à Finca Berrocal, zone qui serait relativement préservée des moyens de surveillance et des caméras thermiques. 67 personnes ont réussi à passer les obstacles les séparant du territoire espagnol, mais nombreuses sont celles ayant été blessées. 14 personnes ont été transférées à l’hôpital à cause de fractures et de blessures multiples.
Depuis des années, les « refoulements à chaud » sont pratiqués aux frontières de Ceuta et Melilla, principalement au niveau des barrières, par la Guardia civil espagnole, en complicité avec les autorités marocaines. C’est à dire que la Guardia civil intercepte les personnes qui tentent de franchir la barrière et procèdent à leur refoulement direct et illégal vers le Maroc. Des petites portes dans la triple barrière espagnole de Melilla sont utilisées pour ces refoulements immédiats. Cette pratique demeure clairement une entrave au droit d’asile.
À Ceuta et Melilla, les demandeurs d’asile sont enfermés dans les enclaves, car ils ne peuvent pas circuler sur tout le territoire espagnol. Quand bien même Melilla et Ceuta sont des villes espagnoles, elles sont les deux seules exceptions de l’espace Schengen : les personnes sont soumises à un double contrôle, en entrant dans l’enclave et en sortant vers la péninsule. Ainsi, il est indiqué sur la « carte rouge » de demandeur d’asile : « N’est pas autorisé à traverser des frontières » et « Seulement valide à Melilla / Ceuta ». Les enclaves de Ceuta et Melilla disposent chacune d’un centre de séjour temporaire pour immigrants (CETI), des centres ouverts, où les migrants et demandeurs d’asile peuvent être hébergés en attendant leur transfert vers la péninsule. Ce sont des centres d’hébergement temporaires mais cette temporalité n’est pas définie, tout comme les délais pour les transferts qui ne sont encadrés par aucune loi. Les personnes ne savent pas quand elles vont partir. Cette attente affecte particulièrement, notamment psychologiquement, les résidents des CETI.
Les passages maritimes pour accéder en Espagne sont également une possibilité d’atteindre l’Europe. Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), entre le 1er janvier et le 26 juillet 2017, environ 7.850 personnes ont atteint les côtes espagnoles, contre 2.476 pendant la même période, un an plus tôt. 120 ont trouvé la mort en empruntant ce passage au cours du premier semestre (et plus de 2300 dans toute la méditerranée).
Mais une fois sur le continent, les possibilités d’y demeurer sont loin d’être évidentes. Presque tous les adultes ainsi que les enfants voyageant avec un membre de leur famille arrivant en Espagne continentale par bateau, sont détenus dans des locaux de la police – des cellules sombres, froides et humides – pour une période allant jusqu’à 72 heures, à des fins d’identification et de traitement de leur dossier. Les bâtiments de Motril et Almería contiennent de grandes cellules mal éclairées avec de fins matelas sur le sol, tandis que le poste de police de Málaga utilise une prison souterraine sans lumière du jour ni ventilation. La majorité des hommes et des femmes adultes sont alors envoyés après leur passage en commissariat dans un centre de détention pendant 60 jours au maximum dans l’attente de leur expulsion. S’ils ne peuvent pas être déportés, ils sont alors libérés, mais aux yeux de la loi, ils n’ont aucun droit de demeurer sur le territoire et ont l’obligation de le quitter.
D’autres informations sur le sujet :
- Article sur les conditions de détention en Espagne (Hrw – 31 juillet 2017)
- Rapport d’observation sur les conditions d’entrée aux frontières Européennes (Cimade – juin 2016)
Les photos sont de Sarah Prestianni et ont été prises à Mellila en 2011.