France, terre d’asile?

Article paru dans l’Épisode cévenol numéro 20.

Une certitude très répandue est que la France serait une terre accueillante pour les étrangers, trop accueillante pour certains. Or la réalité montre que le nombre de demandeurs d’asile comme celui de migrants n’est pas particulièrement élevé ne sont pas particulièrement élevé. Que n’avons nous pas entendu comme inepties sur ce thème ? Que d’inepties n’avons-nous pas entendues sur ce thème? Afin de corriger ces erreurs, contre- et demi-vérités, nous allons en relever quelques unes des plus courantes et fournir des chiffres pour clarifier le sujet.

Combien de fois dit-on que “nous ne pouvons accueillir toute la misère du monde!, alors que la très grande majorité des personnes contraintes de quitter leur pays ne se rend) pas en Europe (moins de 20%). Dans un top 10 des principaux pays d’accueil, réalisé pour l’année 2018, figurent la Turquie (3,7 millions de réfugiés), le Pakistan (1,4 million), l’Ouganda (1,2 million), le Soudan (1 million), le Liban (1 million), mais pas la France.

Ces dernières années, plusieurs millions de personnes ont dû fuir la guerre dans leurs pays d’origine, en particulier en Syrie, en Afghanistan et en Irak, des milliers d’entre elles ont péri en mer. En 2015, l’année où l’arrivée de réfugiés en Europe a été la plus importante, 1,2 million de demandes d’asile ont été enregistrées. Tandis qu’en France, elles ont été de l’ordre de 70 000 (6% du nombre global), elles atteignaient plus de 440 000 en Allemagne (35%).1

Même en 2019, lorsque la France a accueilli 143 000 premières demandes d’asile2, elle n’était en Europe qu’en 7e position en nombre rapporté à la population du pays. Par contre le taux d’acceptation n’est que de 40%. Un nombre important de personnes déboutées quittent le pays tandis que certaines parviennent à être régularisées après plusieurs années de démarches ardues.

Il est erroné de croire qu’en facilitant l’accès à l’asile, le nombre de réfugiés augmenterait. En réalité, les politiques d’asile de plus en plus restrictives ne font que croître le nombre de clandestins qui ne peuvent souvent plus retourner dans leurs pays d’origine ou se rendre ailleurs. On estime qu’environ 30 000 sans-papiers entrent chaque année en France3. Cependant, tous ne restent pas dans le pays. Quant aux entrées régulières, comptabilisées par le nombre de cartes de séjour octroyées, l’augmentation est également plutôt modérée: de 220 000 en 2010 à 260 000 en 2019.4 Ces quelques chiffres sont utiles pour relativiser l’image que certains ont voulu esquisser à propos d’une vague de migrants qui aurait submergé la France.

L’idée est répandue que la situation économique de la France ne permettrait pas l’accueil des étrangers, or il est avéré que plus ces personnes sont accueillies dans le respect de leurs droits, plus elles s’insèrent dans le tissu social et économique et participent à la richesse culturelle et sociétale. Bon nombre d’entre elles disposent de diplômes, ce qui devrait faciliter leur insertion) leur faciliter l’insertion.

Un autre à-priori prétend que ce ne sont quasiment que des hommes seuls qui arrivent en France. Or, selon les chiffres du HCR, en 2019, parmi les 96 000 personnes enregistrées à leur arrivée en Europe par l’Espagne, l’Italie, la Grèce, Chypre et Malte, 53% étaient des hommes. L’UNHCR note: “En février 2016 en Grèce, période de très fortes arrivées ayant amené l’Union européenne à conclure un accord avec la Turquie, les hommes représentaient 38% des entrées, les femmes 22% et les enfants 40%.”5

L’abandon des mineurs non accompagnés

Ces mineurs quittent leurs pays pour différentes raisons: « ils fuient des persécutions liées à des conflits ou d’autres situations de violence et sont demandeurs d’asile, ils désirent rejoindre leur famille déjà présente en France ou en Europe, ils veulent accéder à une vie meilleure, étudier ou travailler dans le pays, ils sont victimes d’un réseau d’exploitation ou de traite des êtres humains…»6. Beaucoup sont originaires d’Afrique subsaharienne, généralement de zones de conflits ou de guerre, et passent par la Libye où ils subissent l’esclavage et des tortures. Ils débarquent en Europe, traumatisés, après un voyage périlleux. En France, environ 17 000 mineurs, en majorité des garçons sont arrivés respectivement en 2018 et 2019.

Théoriquement, tout mineur, qu’il soit étranger ou non, a droit de mise à l’abri. En conséquence, les mineurs isolés qui demandent l’asile doivent être pris en charge par les services des départements non seulement dans leurs démarches administratives mais également en matière d’hébergement, de santé et d’éducation. En fait, ils sont confrontés à la contestation par les départements de toutes les informations qu’ils donnent : leur âge, leur parcours, leur origine, les risques qu’ils encourent. Il faut donc en premier lieu que leur minorité soit reconnue. Or ils doivent parfois attendre des mois avant d’être entendus ou de passer un test osseux (radio du poignet et des dents de sagesse) qui malgré son manque de fiabilité, à cause d’une marge d’erreur de deux à quatre ans, reste un critère d’évaluation de leur âge.

En pratique, même s’ils obtiennent une ordonnance de placement par un juge, ils ne sont pas toujours suivis par l’Aide Sociale à l’Enfance mais souvent livrés à eux-mêmes, parqués dans des hôtels sans accompagnement ou même laissés dans la rue. Mais même s’ils bénéficient d’une protection pendant leur minorité, une fois majeurs, ils devront affronter de nombreux obstacles qui font que leur statut demeure toujours précaire.

Les mineurs isolés, en cas d’infractions, sont victimes de traitement judiciaire sévère et peuvent être plus facilement incarcérés que des mineurs français, notamment parce qu’ils n ‘ont pas de famille ne sont pas en famille. Comme les infrastructures (foyers, centres de rééducation) ne suffisent pas et ne sont pas adaptées, il arrive qu’ils soient emprisonnés. En prison, ils ne sont pas non plus suivis correctement par manque de personnel et de compétences appropriés. Quand ils sortent, nombreux sont ceux qui reprennent malheureusement leur parcours là où ils l’ont laissé, c’est-à-dire dans la délinquance.

Entre 2018 et 2020 plus de 18 000 réfugiés enfants et adolescents non accompagnés ont disparu des radars des administrations européennes. Ce chiffre est sous-estimé car plusieurs Etats, dont la France, ne répertorient pas ces disparitions car même s’ils ont été enregistrés à leur arrivée, ces jeunes n’ont pas été tous suivis. Ils sont souvent victimes de réseaux de traite d’humains et esclavagisés dans la prostitution, le travail forcé ou le trafic de drogues7.

Mais il y a aussi des mineurs isolés qui grâce notamment à l’accompagnement de personnes privées ou d’éducateurs dévoués réussissent à se faire une place, suivre une formation et s’adapter à leur nouvel environnement. Beaucoup ne demandent qu’à trouver une place dans la société, suivre un apprentissage pour devenir autonomes dans de bonnes conditions. Ne faudrait-il pas développer les conditions pour que ces jeunes, souvent éprouvés par leurs expériences passées, soient accompagnés dans l’apprentissage d’une nouvelle vie en toute sécurité et sérénité. ?

[Cévennes sans frontières]

4 idem

5 UNHCR, Portail de données en ligne

This entry was posted in General. Bookmark the permalink.