Texte extrait et traduit à partir de Parole sul confine.
A Vintimille, le 21 juin, des nageurs ont vu surgir le cadavre d’un homme, non loin du rivage. Le visage défiguré par le long séjour dans l’eau, le corps encore habillé : un migrant très certainement. Ce sont les quelques informations qui peuvent être lues sur les chaînes d’infos en boucle et sur les journaux locaux qui ont diffusé les nouvelles.
Cet homme sans visage, sans identité, vient s’ajouter au nombre considérable de morts que la violence frontalière a causé. Par les mains du capitalisme qui exige que la vie des êtres humains soit réduite aux biens, par les mains des États qui sont les exécuteurs politiques de ce système mortifère et de toutes les puissances qui coopèrent à ce fonctionnement.
Un homme sans visage. Un visage défiguré par la violence qui s’infiltre dans tous les coins de ce système, se glisse dans chaque recoin. Une violence qui est en nous. Que nous soyons des acteurs de ce système ou que nous apparaissions comme des spectateurs.
Même si cet homme avait encore son visage, le silence auquel sa mort aurait été condamnée l’aurait éloigné de lui.
L’absence d’un visage qui, chaque jour, combat la frontière de toutes les façons possibles, ne peut pas oublier.
Dans une mer d’été, céleste et pétillante, dans une belle mer, dans la mare nostrum, des nageurs ont récupéré un corps. D’où vient-il ? Une arrivée difficile depuis la France : les courants ne poussent presque jamais vers l’Italie… disent les locaux. Il pourrait provenir de la rivière Roya, peut-être une poursuite de l’armée française stationnée dans la vallée pour capturer des migrants qui tentent de traverser la frontière, et pour finir une chute, puis la rivière… jusqu’à la mer. Ou qui sait ? Qui est-ce ? Quelle est son histoire en tant qu’homme ?
C’est juste un numéro. Un des nombreux numéros parmi les disparus contemporains. […]