Voilà qu’est ce que c’est concrètement le PRAHDA : la négation de toute garantie de procédure et du droit de recours. Nous transmettons un récit de l’arrestation illégale et de l’expulsion sauvage qui a eu lieu mardi 24 octobre depuis le PRAHDA de Vitrolles. Là où l’état cherche à isoler les individus à l’intérieur de ces centres d’expulsions, briser le silence et dénoncer ce qu’il se passe derrière les murs reste plus que jamais d’actualité.
Mardi 24 octobre au matin, la directrice du PRAHDA de Vitrolles dit à Sekou, Adama et Ali qu’elle a reçu un email de la préfecture lui demandant de les conduire au Commissariat de Vitrolles. Les trois ne se doutent de rien : ils viennent de sortir du tribunal administratif (la veille) : leur recours contre une décision de transfert “Dublin” vers l’Italie a bêtement échoué, mais ils préparent l’appel (avec la perm juridique du Manba). Quand la directrice leur demande de monter à bord de sa voiture, ils pensent qu’il s’agit du simple contrôle de présence qu’ils font déjà depuis quelques jours dans le cadre de leur assignation à résidence au PRAHDA. Surtout aucun « routing » ne leur a été adressé comme c’est d’usage avant toute expulsion “Dublin” (= document informant des modalités du futur “transfert”). Pourquoi s’inquiéter ?
A l’arrivée au commissariat, c’est la Police aux frontières qui les attend (PAF = police des étrangers) : ils vont êtres enfermés au Centre de rétention de Nîmes. La police dit : ça devait être le CRA de Marseille, mais il tourne à plein…! Les 3 garçons savent que la pratique de la rétention est interdite pour les étrangers « dublinés » ! (ça vient d’être confirmé par la Cour de Cassation) En plus, la police ne leur a notifié aucune ordonnance en ce sens signée du Juge des Libertés et de la détention (le juge du CRA), comme l’exige la procédure : depuis quand on embarque les gens sur un simple mail ! Mais ce ne serait pas la première fois que la préfecture des Bouches-du-Rhône et sa police se torchent avec les garanties de procédure… et la directrice du PRAHDA qui a collaboré à l’arrestation ? Elle réagit pas ! Contraints, ils montent à bord du véhicule de la PAF.
Nouvelle surprise en cours de route : le véhicule ne les mène pas à Nîmes, mais dans un commissariat dont ils ignorent la localisation. En interrogeant les personnes autour d’eux, ils apprennent qu’ils sont retenus au commissariat d’Avignon. Pourquoi un commissariat ? Ils n’y
voient aucun avocat, aucun juriste, aucun juge, ni médecin, on ne leur remet aucun PV ou notification de retenue. On leur dit simplement qu’ils passeront au tribunal le lendemain. Ils sont retenus de manière totalement sauvage, mais ils sont soulagés d’apprendre qu’ils vont voirun juge. Lucarne d’espoir depuis la cellule.
A l’extérieur, personne ne sait où ils se trouvent et leurs amis les cherchent activement. Ils finissent bien par trouver leurs noms sur les listes du centre de rétention de Nîmes, mais on leur dit qu’ils ne sont pas au centre. On leur dit qu’ils y seront probablement transférés le
lendemain et qu’ils seront même certainement libérés après avoir été audiencés par le Juge des libertés et de la détention : ce genre de « retenues de confort », comme on les appelle dans le jargon, sont strictement illégales. Le juge de Nîmes sanctionnera la préfecture, ne vous inquiétez pas.
Le soir même, nouvelle arrestation au PRAHDA de Vitrolles : Dawit, originaire d’Ethiopie, retrouve ses 3 compagnons d’infortune dans la cellule d’Avignon.
Mercredi 25 octobre, le lendemain, toujours rien. Puis un coup de téléphone en fin de matinée : urgent ! Vos amis sont en instance de transfert vers l’aéroport de Marseille ! Ils vont être embarqués sur un vol à destination de Venise ! Mais le juge ? les garanties de procédures, le droit de recours ? l’arrestation et la détention illégale ? Qu’ils s’opposent à leur embarquement, c’est leur dernière chance de passer devant le juge et faire valoir leurs droits…
Mercredi 15h : Sekou, Adama, Ali et Dawit sont maintenus dans un box de la zone d’attente de l’aéroport de Venise ! Ils n’ont pas été assez forts face à la police. Elle n’a rien voulu entendre sur leurs droits non plus. A leur arrivée, ils ont été livrés à la police italienne, qui
est en train de trancher sur leur sort : alors, centre de rétention, campo, hotspot ? Si la chance est au rendez-vous, ils seront peut-être libérés avec une “simple” interdiction du territoire européen (= clandestin à vie) ? Passeront-ils à côté de l’expulsion vers la Guinée,
l’Ethiopie, la Libye ?…
Le soir-même, seuls deux d’entre eux sortent de la zone d’attente de l’aéroport, soulagés, avec une convocation à se rendre à la préfecture de Venise. Il paraît que c’est charmant Venise. Aucune nouvelle de leurs deux compagnons depuis.
Sekou, Adama, Ali et Dawit sont demandeurs d’asile et vivent en France depuis des mois. L’Etat français les a expulsé et en toute illégalité vers l’Italie, pour se débarrasser de leur demande d’asile. Quand on les a rencontré, qu’on a ri, parlé, déjeuné avec eux, entre Marseille et Vitrolles, aucun d’entre eux ne voulait plus entendre parler de l’Italie : ils y ont subi des violences de la part de la police, dès leur descente du bateau dans les ports du sud du pays. Ils savent aussi qu’aucune demande d’asile n’aboutira dans un contexte de crise des institutions italiennes. Depuis le PRAHDA, ils se battaient, à armes légales, contre le risque de s’y faire expulser.
Ali est considéré à tort comme ayant déjà sollicité l’asile en Italie : quand on est passé par les hotspots du sud de l’Italie, c’est pratique courant. On vous identifie à la descente du bateau, on vous extorque vos empreintes, on enregistre votre demande d’asile de manière automatique, ce que vous ignorez, parce que vous n’avez pas droit à un interprète ou un conseil juridique. Puis la police vous met dehors en vous disant « bonne route » ! Evidemment, on se garde bien de vous informer des procédures pour continuer effectivement l’instruction de votre demande d’asile, passer l’entretien obligatoire avec un agent, etc… Ça arrange bien les autorités italiennes que vous quittiez leur pays : votre dossier est clôt pour absence, vous êtes déjà en France. Quand la France renvoie la balle de l’asile à l’Italie et que vous êtes expulsé, c’est trop tard, pour l’Italie vous êtes débouté de l’asile et les délais de recours ont expiré.
Ali est libyen : jeudi 26 octobre, on craint le pire…